DEBUSSY, LA MUSIQUE ET LES ARTS (exposition)
L'attirance pour l'art pictural et, plus globalement, pour tout ce qui relève du visuel est particulièrement manifeste chez le compositeur Claude Debussy (1862-1918), qui s'est référé à l'univers de peintres comme Botticelli pour sa suite symphonique Printemps (1887), Velázquez pour En blanc et noir (1915), Watteau pour L'Isle joyeuse (1904), Whistler pour Nocturnes (1899). Trois grandes familles de la bourgeoisie parisienne (celles du peintre Henry Lerolle, du compositeur Ernest Chausson et de l'homme politique Arthur Fontaine) lui apportèrent leur soutien et contribuèrent à sa fréquentation des artistes et des œuvres les plus représentatifs de l'époque (Redon, Vuillard, Camille Claudel...).
Avec les commissaires Guy Cogeval, Jean-Michel Nectoux et Xavier Rey, l'exposition Debussy, la musique et les arts, présentée au musée de l'Orangerie conjointement avec le musée d'Orsay du 22 février au 11 juin 2012, mettait judicieusement en valeur les fécondes complicités artistiques qui se sont dès lors développées et ont nourri l'imaginaire de Claude Debussy. Toutefois, bien qu'il ait déclaré, en 1911, qu'il aimait les images presque autant que la musique, les sources d'inspiration poétique ou picturale n'ont jamais pris le pas sur un propos qui demeure, chez lui, prioritairement d'essence musicale. Malgré son attirance pour les arts visuels, Debussy restera toujours profondément attaché à la spécificité du langage musical, reprochant par exemple à Berlioz de donner « l'illusion de la musique par des procédés empruntés à la littérature et à la peinture ».
L'influence des préraphaélites et des impressionnistes
En ce qui concerne la peinture de son époque, Debussy partage son intérêt entre deux tendances esthétiques, l'une correspondant aux préraphaélites, l'autre aux impressionnistes. Son goût pour les préraphaélites, qui influencèrent les symbolistes, apparaît notamment dans La Damoiselle élue (1887-1888) – Maurice Denis réalisa une lithographie qualifiée de « rare et précieuse » par le compositeur, pour la couverture de la partition. Debussy prit comme trame poétique un texte de Dante Gabriel Rossetti, figure fondamentale de ce mouvement, dont le propos était en particulier de retrouver la pureté et la clarté des maîtres anciens, par exemple Fra Angelico ou Raphaël.
L'association de Claude Debussy avec le mouvement impressionniste demeure une question délicate, si l'on veut aller au-delà des prétendues évidences. Il semble que le terme « impressionniste » ait été appliqué pour la première fois à la musique de Debussy dans le rapport du secrétaire de l'Académie des beaux-arts, à la fin de 1887, à propos de son deuxième Envoi romain, suite pour voix de femmes et orchestre ; et la comparaison n'était guère flatteuse : « M. Debussy ne pêche assurément pas par platitude ni par banalité. Il a, tout au contraire, une tendance prononcée, trop prononcée même, à la recherche de l'étrange. On reconnaît chez lui un sentiment de la couleur musicale dont l'exagération lui fait facilement oublier l'importance de la précision du dessin et de la forme. Il serait fort à désirer qu'il se mît en garde contre cet „impressionnisme“ vague, qui est un des plus dangereux ennemis de la vérité dans les œuvres d'art. »
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Écrit par
- Jean-Yves BOSSEUR : directeur de recherche au C.N.R.S.
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Médias