DEBUSSY, LA MUSIQUE ET LES ARTS (exposition)
Penser la musique en images
Dans une lettre du 9 février 1887, Claude Debussy décrivait pourtant son intention de la manière suivante : « Je me suis mis dans la tête de faire une œuvre dans une couleur spéciale et devant donner le plus de sensations possible. Cela a pour titre Printemps, non plus le printemps dans son sens descriptif, mais par le côté humain. Je voudrais exprimer la genèse lente et souffreteuse des êtres et des choses dans la nature, puis l'épanouissement ascendant, et se terminant par une éclatante joie de renaître à une vie nouvelle. »
Dans une lettre à son éditeur, Jacques Durand, du 24 mars 1908, à propos des Images, il dit essayer de faire « autre chose et de créer – en quelque sorte des réalités – ce que les imbéciles appellent „impressionnisme“, terme aussi mal employé que possible, surtout par les critiques d'art qui n'hésitent pas à en affubler Turner, le plus beau créateur de mystère qui soit en art. »
Une partie de l'exposition était consacrée à ses œuvres scéniques (Pelléas et Mélisande, Le Martyre de saint Sébastien), témoignant des apports de certains de ses collaborateurs, notamment du décorateur Léon Bakst lorsque le Prélude à l'après-midi d'un faune fut chorégraphié et dansé par Nijinski en 1912. Outre les œuvres proprement dites étaient exposés des objets permettant d'entrer dans l'intimité de l'environnement visuel propre à Debussy, de saisir son goût pour l'art nouveau, les arts de la Chine et du Japon, dont la science du raffinement coïncidait assez précisément avec ses aspirations esthétiques. La dernière salle de l'exposition ouvrait, plus largement encore, sur les questions touchant à la synesthésie, déjà en filigrane tout au long du parcours, avec la présence d'œuvres de Munch, Klimt, Kandinsky et Kupka. Une telle préoccupation transparaît en effet chez Debussy, quand il décrit de manière toute prophétique, sous le pseudonyme de Monsieur Croche, « une musique de plein air qui favoriserait une collaboration mystérieuse de l'air, du mouvement des feuilles et du parfum des fleurs avec les sons ; une telle musique réunirait tous ces éléments dans une entente si naturelle qu'elle semblerait participer de chacun d'eux. [...] Puis, enfin, on pourrait vérifier que la musique et la poésie sont les deux seuls arts qui se meuvent dans l'espace... Je puis me tromper, mais il me semble qu'il y a, dans cette idée, du rêve pour les générations futures. Pour nous autres pauvres contemporains, j'ai bien peur que la musique continue à sentir un peu le renfermé ».
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Écrit par
- Jean-Yves BOSSEUR : directeur de recherche au C.N.R.S.
Classification
Médias