Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DÉBUTS DE L'ACQUISITION DU LANGAGE

Apprendre la syntaxe

Bien sûr, si la syntaxe des phrases doit aider les enfants à apprendre le sens des mots, il faut qu’ils soient capables d’apprendre au moins quelques éléments de syntaxe avant de connaître beaucoup de mots. De nombreuses expériences montrent que les enfants prêtent attention aux mots grammaticaux de leur langue (les articles : le, la, un ; les pronoms personnels : je, tu, on ; les auxiliaires : est, a, etc.), et ce avant l’âge de un an. Dès huit mois, ils exploitent la présence d’un mot grammatical pour reconnaître le mot qui le suit. À quatorze mois, ils groupent les mots qui sont précédés par des articles (le, un). À dix-huit mois, ils ne reconnaissent un mot connu que s’il est placé dans un contexte approprié : ils répondent au mot « balle » dans « la balle est rouge », mais pas dans « je balle une pomme ». De plus, les très jeunes enfants sont sensibles à la prosodie de la parole, qui permet de découper les phrases en unités contenant chacune quelques mots : or, les frontières entre ces unités correspondent aux frontières syntaxiques. Les jeunes enfants pourraient donc commencer à construire une structure syntaxique partielle, même lorsqu’ils ne connaissent pas encore la plupart des mots que la phrase contient. Ainsi, en entendant une phrase comme « [la mépi bamoule] [a déblumé] [son caruche] », ils pourraient inférer que « bamoule » et « caruche » sont des noms, tandis que « déblumer » est un verbe qui réfère probablement à une action causale (une action que quelqu’un peut faire subir à une autre personne ou à un objet).

Pendant longtemps, on a pensé que l’enfant travaillait à tour de rôle sur les sons, les mots et les phrases : d’abord les sons entre zéro et un an (le bébé babille), puis les mots entre un et deux ans (le bébé prononce des mots isolés), et enfin les phrases à partir de deux ans. Depuis, les expériences avec des très jeunes enfants nous ont montré que l’acquisition s’effectue de manière plus interactive, et qu’à tous ces niveaux des connaissances même partielles dans l’un de ces domaines facilitent l’apprentissage des autres.

Bien des recherches restent nécessaires pour comprendre les mécanismes de l’apprentissage du langage, et ces recherches vont s’appuyer sur des méthodes complémentaires : l’expérimentation avec les jeunes enfants (dont certains résultats ont été décrits ici), l’étude des différences individuelles de développement afin d’estimer l’impact de l’environnement (la quantité de langage entendu par l’enfant, les facteurs économiques, etc.), mais aussi la construction de modèles computationnels qui permettent de simuler comment l'apprentissage de toutes les composantes de la langue interagissent pour parvenir au système linguistique adulte.

— Anne CHRISTOPHE

— Isabelle DAUTRICHE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directrice de recherche au CNRS, directrice du laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistiques, UMR 8554, École normale supérieure, Paris
  • : doctorante

Classification