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DECCAN ou DEKKAN

Sur le plan historique et humain, le Deccan s'oppose, en Inde, à la grande plaine du Nord. Dans cette dernière sont nés à plusieurs reprises de grands empires à vocation subcontinentale, qui ont tendu à englober le Deccan, mais n'y sont jamais parvenu intégralement : ainsi en est-il des empires Maurya (~ ive-IIe s.) et Gupta (ive-Ve s.) centrés sur la basse vallée du Gange, ou Magadha. de l'empire de Harsha (viie s.), du sultanat de Delhi (xiiie-xvie s.) et de l'empire mongol (xvie-XVIIe s.), rayonnant à partir du haut Gange. Le Deccan a donc fait figure de bastion de résistance aux tentatives unificatrices panindiennes. Il a eu sa propre histoire, articulée sur ses peuples, ses royaumes, ses empires qui équilibrèrent souvent ceux du Nord et qui parfois cherchèrent aussi à réaliser l'unité subcontinentale, comme le fit celui des Marathes au xviiie siècle.

De nos jours, les plateaux intérieurs et les plaines littorales du Deccan sont principalement habités par les quatre grands peuples dravidiens aux langues voisines : Tamoul au sud-est, ou Tamil Nadu ; Malayalis au sud-ouest, ou Kérala Malabar ; Télougou à l'est, ou pays andhra ; Kannadiga (de parler kannada) à l'ouest, ou Karnataka. La partie septentrionale du Deccan, la plus montagneuse et la plus boisée, fait obstacle à la pénétration par l'ampleur et même l'orientation transversale de son relief : monts Vindhya et Satpura, vallée de la Narmada et de la Tapti. Dans ses grandes forêts au passé légendaire, comme la Dandakaranya, vivent encore des peuples tribaux restés en marge de la culture hindoue. L'aryanisation, la pénétration de la culture sanskrite et du brahmanisme, venus du nord, ont gagné partout par les défilés du littoral et par ceux qui, vers l'ouest, mettent en communication le plateau de Malwa avec la diagonale sèche qui barre le Deccan vers le sud-est : vieille route du Sud, ou Dakshinapatha, empruntée par tant d'aventuriers, de commerçants, de missionnaires, de conquérants.

La limite entre peuples dravidiens et peuples aryens n'a pas toujours passé par les mêmes lieux, ni été aussi nette qu'aujourd'hui. Elle a été fluctuante, et repoussée vers le sud au cours de l'histoire. Au nord des Vindhya, l'aryanisation est complète : ces régions regardent vers la plaine indo-gangétique et participent plus, depuis trois millénaires, à la vie du Nord, « pays du Milieu » (Madhyadesha), qu'à celle du Sud, ou Deccan. Au sud de la Narmada et de la Tapti, l'aryanisation a progressé sur les grands espaces ouverts des plateaux basaltiques, au nord du Karnataka, devenus le pays marathe, ou Maharashtra. À l'est, à partir du littoral prolongeant le Bengale, le même processus a rattaché l'Orissa à l'ensemble indo-européen. Mais qu'elles soient aujourd'hui linguistiquement indo-européennes ou dravidiennes, les grandes ethnies du Deccan, comme toutes celles de l'Inde, participent depuis trois millénaires au même monde culturel profondément unifié par l'hindouisme : les croyances, les usages, les divisions sociales, les institutions politiques, les types physiques même, sont semblables d'un bout à l'autre de la péninsule. Et, s'il y a eu de nombreuses invasions, peu de constructions étatiques peuvent être considérées comme ayant été véritablement ou durablement étrangères.

Le très complexe enchevêtrement des faits historiques, dû à la succession des dominations, à la rivalité des États, à l'essor et au déclin des dynasties et des capitales, est mieux compris si l'on tient compte de la permanence des grandes divisions régionales et ethniques du Deccan, à partir desquelles s'exerça tour à tour la prépondérance. D'abord apparaissent les royaumes du Trairajiya, dans les pays tamoul et malayali. Puis le premier empire du Sud est fondé au pays andhra, tandis[...]

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