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DÉCEMBRISTES ou DÉCABRISTES

En Russie, et ensuite dans toute l'Europe, on nomma décembristes (ou décabristes, de dekabr, « décembre » en russe) la phalange des officiers nobles et libéraux qui, le 14 décembre 1825, tentèrent de soulever la garnison de Saint-Pétersbourg (Leningrad) pour obtenir du nouveau tsar, Nicolas Ier, les réformes de structure indispensables dans une Russie rétrograde. Ce coup d'État militaire n'était pas le premier en Russie (Élisabeth Ire et Catherine Ire montèrent sur le trône par ce moyen), mais il aurait pu devenir la première révolution russe. Si l'action stupéfiante des décembristes n'avait été si mal préparée, l'explosion eût été terrible, comme l'écrivait l'ambassadeur de France à son gouvernement, et il ajoutait avec lucidité : « Les éclats en auraient parsemé l'Europe ! » Mais le soulèvement sur la place du Sénat (l'actuelle place des Décabristes) ne dura qu'une seule journée. Il eut lieu à la fin de l'interrègne entre la mort d'Alexandre Ier et l'avènement de Nicolas Ier. Les officiers, tous jeunes, issus des plus nobles et plus anciennes familles de l'empire russe, « fine fleur » du pays, avaient fait les campagnes contre Napoléon de 1805 à 1815 ; ils avaient découvert l'Occident, ses mouvements de libération nationale, ses régimes parlementaires ; ils avaient vu des pays où le servage était aboli depuis des siècles. De retour chez eux, ils se sentirent « honteux d'être russes ». Leur tsar leur avait promis de longue date de tout changer, de tout réformer. Il avait libéré l'Europe avec ses alliés, il était entré en vainqueur dans Paris, il avait imposé une Constitution à Louis XVIII, mais revenu chez lui, il n'avait tenu aucun de ses engagements concernant l'abolition du servage, la liberté d'opinion et d'expression. Alexandre Ier semblait las de régner. Il confiait son État à son âme damnée, le général Araktcheïev, et, pour sa politique extérieure, se soumettait aux thèses réactionnaires de Metternich. Décidés à agir par eux-mêmes, beaucoup d'officiers et d'intellectuels russes forment des sociétés secrètes sur le modèle du Tugendbund allemand, des carbonari italiens (Société du salut, Union pour le bien public) et finalement ils s'organisent en deux unions, l'une à Saint-Pétersbourg, l'autre en Ukraine : l'Union du Nord, l'Union du Sud. Dans la capitale, la direction est collégiale : le prince Serge Troubetskoï, le prince Obolenski, Nikita Mouraviev ; dans le Sud, le chef est le colonel Paul Pestel ; le prince Serge Volkonski, Serge Mouraviev-Apostol, Michel Bestoujev-Rioumine le secondent. Nikita Mouraviev prépare une constitution, Pestel rédige un document politique véritablement révolutionnaire, Rousskaia Pravda (« La Vérité russe »), le premier du genre en Russie. Mais nul ne sait quand ni comment agir. Le 19 novembre 1825, Alexandre Ier meurt subitement à Taganrog, sur la mer d'Azov. Peu de semaines avant sa fin, il a eu en main la liste de tous les « conspirateurs », mais il n'a rien fait. Le décès du souverain, si loin de sa capitale et de son gouvernement, bouleverse profondément les esprits, d'autant plus que son frère et héritier présomptif, le grand-duc Constantin, refuse la couronne, et que son frère cadet, le grand-duc Nicolas, hésite à l'accepter. Pour les « hommes de Décembre », c'est le signal. Ils se font fort de soulever les troupes, qui exigeront de Nicolas une constitution et la suppression du servage, avant de lui prêter serment. Mais l'action est trop improvisée. Le « carré » des trois mille insurgés est mal commandé. Le prince Troubetzkoï, pris de panique, a quitté la place. L'un des officiers, Kakhovski, tire sur le général Miloradovitch, gouverneur de la capitale, venu parlementer, et le tue. Troupes mutinées et troupes loyales[...]

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Écrit par

  • : diplômée d'études supérieures d'histoire, écrivain

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Autres références

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    Poète russe descendant d'une lignée princière illustre mais appauvrie. Officier de la garde à dix-neuf ans, Alexandre Ivanovitch Odoïevski se lie avec Griboïedov, écrit des vers, et adhère à la société secrète du Nord. Le 14 (26) décembre 1825, il participe activement à l'insurrection qu'on appellera...

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