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DÉCHRISTIANISATION

Si, étymologiquement, le terme « déchristianisation » vise l'ensemble des confessions ou dénominations chrétiennes, il a d'abord pris sa signification dans le cadre d'un catholicisme dominant, s'auscultant et constatant, d'une part, l'arrêt de sa progression dans les civilisations industrielles, d'autre part, l'extension de sa récession dans les classes laborieuses : c'est ainsi qu'on parla tout d'abord de la « déchristianisation de la classe ouvrière » avant de s'interroger sur « l'éclipse du sacré dans la civilisation industrielle ». Mais en outre, ce phénomène de récession – d'abord observé dans l'aire occidentale – devient peu à peu de plus en plus observable à l'échelle mondiale : le christianisme, ou les christianismes, devenus religion dominante de la civilisation, apparaît ou apparaissent n'être devenus tels que pour avoir été la religion de la civilisation dominante. Le terme mis à la domination du ou des christianismes par les phénomènes contemporains de décolonisation, puis d'accession des États ou peuples du Tiers Monde à l'indépendance, tend en effet à s'accompagner sinon d'un refus, du moins d'une contestation du christianisme occidental : celui-ci se trouve alors relayé soit par des idéologies monolithiques comme en Chine, soit par des formes de conscience nationale réfractaire à toute pénétration missionnaire chrétienne comme aux Indes, soit par de multiples syncrétismes visant à intégrer les christianismes classiques dans des mouvements autochtones comme en Afrique sud-saharienne. D'autre part, les religions traditionnelles des peuples jusque-là colonisés – religions traditionnelles des paysanneries, islamisme, bouddhisme, etc. – sont vécues par ces peuples comme des éléments de leur propre identité ; elles se trouvent, de ce fait, réactivées et rendues d'autant moins pénétrables à une contagion chrétienne. Les théologies chrétiennes, après être passées de la croisade à la mission, passent ainsi de plus en plus de la mission au « dialogue » et entérinent elles-mêmes ce coup d'arrêt. Mais comme la croissance démographique joue en faveur des peuples non christianisés, devenant plus ou moins non christianisables, le pourcentage de la population chrétienne dans la population totale du globe tendra à s'abaisser. De ce fait s'engendrerait une déchristianisation relative puisque l'augmentation du nombre des chrétiens soit par conversion soit par renouvellement démographique irait finalement moins vite que l'augmentation en flèche de la démographie mondiale. L'écart, enfin, tend à s'accroître du fait que les populations chrétiennes non seulement se redistribuent d'une forme à une autre du christianisme (par exemple d'une forme Église à une forme dissidente), mais aussi et surtout, dans une frange qui va s'élargissant, cessent d'appartenir à une forme quelconque de ce christianisme pour se retirer dans une forme de non-christianisme, voire de non-religion : les populations chrétiennes sont en effet les premières à subir les contrecoups de la civilisation technique et industrielle et à enregistrer son effet de sécularisation. Il y a là, en conséquence, sous un phénomène qu'on a étiqueté « déchristianisation », un ensemble de variables qu'il convient d'explorer en notant que, pour un certain nombre d'observateurs, les variables de récessions certaines ne sont pas sans pouvoir ou même sans devoir se conjuguer avec les variables de certaines progressions au moins éventuelles.

On peut ramener à cinq ces types de récessions :

– la récession de la pratique religieuse du christianisme ;

– la récession de l'emprise du clergé sur la vie et la pratique chrétiennes ;

– la récession du contrôle[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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