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DÉCHRISTIANISATION

Décléricalisation

Bien que leurs origines communes ne l'impliquent guère et que leurs diverses formes offrent des spécifications différentes, les christianismes se présentent en général sous une forme hiérarchique impliquant une dichotomie entre un clergé et un laïcat. Le catholicisme est la confession qui présente la hiérarchisation la plus marquée, non seulement entre le clerc et le laïc, mais entre un haut et un bas clergé, le haut clergé culminant dans le pontificat romain. Les dénominations protestantes sont selon les cas soit épiscopaliennes (présence d'un épiscopat), soit presbytériennes (présence d'un pastorat), quelques-unes seulement sont congrégationalistes, c'est-à-dire postulent un gouvernement par lui-même du peuple chrétien par l'intermédiaire de sa congrégation ou assemblée générale. Quant à la confession orthodoxe, bien que non pontificale, mais patriarcale, elle postule elle aussi un haut et un bas clergé séparés par des origines et des disciplines monacales. Certaines dissidences sectaires, enfin, sont bâties sur un monachisme congrégationaliste laïc.

Avec des décalages dans le temps, les divers christianismes sont affectés par un processus impliquant une récession de l'emprise du clergé sur la vie et la pratique des sociétés chrétiennes : choc en retour, sur la société ecclésiastique, des péripéties et des combats du laïcisme dans la société civile. Des théologiens ont même proposé une certaine laïcalisation de leur Église en réponse aux questions posées par ce laïcisme. Celui-ci, en effet, non seulement postulait la séparation de l'Église et de l'État comme une garantie pour la liberté de conscience du citoyen et la liquidation du principe cujus regio ejus religio (une seule religion par nation), mais il impliquait aussi pour tout laïc un postulat d'autodétermination dans la vie même de sa propre conscience. Les procurations exercées par les clergés en deviennent de moins en moins soutenables. Encore moins soutenable leur hégémonie, lorsqu'elle s'exerce sur des domaines comme celui de l'état civil, de l'enseignement ou de la propriété terrienne. Des sécularisations interviennent donc en chaîne, celles des biens ecclésiastiques, de l'état civil et des institutions afférentes, de l'enseignement, etc.

Mais, qui plus est, le laïcat chrétien prend ici le relais pour prolonger ce mouvement à l'intérieur même de son propre corps ecclésiastique et pour postuler sa participation à la gestion. Ce qui fut nommé l' Action catholique, définie comme « la participation du laïcat à l'apostolat hiérarchique », fut précisément la mise en œuvre de ce postulat. Non sans conflits d'ailleurs entre deux positions : celle qui tenait l'Action catholique pour un nouveau bras séculier – y compris électoral ou politique – des hiérarchies traditionnelles et celle qui, à l'inverse, entendait non pas constituer une représentation de la hiérarchie dans la société, mais au contraire une représentation de la société – du peuple (le laos) – à l'intérieur des Églises. L'un après l'autre, ces mouvements ont ainsi connu des crises qui se soldent peu à peu par une décléricalisation. La même crise se reproduit dans l'opposition entre les pionniers des sciences humaines des religions et les théologies qui prétendent être seules à comprendre l'Écriture ou la Tradition. La même crise fut au cœur des problèmes du prêtre-ouvrier : perçu par les uns comme un agent de recléricalisation, conçu par les autres et souvent se concevant lui-même au contraire comme un agent de décléricalisation. C'est encore la même opposition qui se fait jour ici ou là entre les diverses instances d'un haut ou d'un bas clergé ; les problèmes sont alors : soit l'épiscopalisation ou l'inter-épiscopalisation d'une structure[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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