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DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE (O. de Gouges) Fiche de lecture

En 1791, en pleine Révolution française, paraît une brochure intitulée Les droits de la femme. Longue de vingt-quatre pages, elle est constituée d’un préambule, d’une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, qui compte dix-sept articles, ainsi que d’un postambule. Son autrice, Olympe de Gouges, née à Montauban en 1748, mourra guillotinée en 1793. Ne craignant pas de s’exposer, elle est déjà réputée pour ses pièces de théâtre et ses engagements en faveur des femmes et des esclaves. Ses positions sont marquées d’une certaine complexité : en 1789, elle fait partie des rares auteurs à critiquer le système esclavagiste, avec sa pièce L’Esclavage des Noirs ou l’heureux naufrage, tout en publiant un pamphlet intitulé Pour sauver la patrie, il faut respecter les trois ordres, qui dissuade les députés du tiers état de faire la révolution.

Olympe de Gouges - crédits : incamerastock/ Alamy/ Hemis

Olympe de Gouges

Les droits de la femme paraissent deux ans plus tard, à la mi-septembre 1791. Louis XVI, très contesté depuis qu’il a tenté de fuir le royaume en juin, vient d’accepter la première constitution écrite de la Révolution. Très attachée à la monarchie ainsi qu’à la solidarité entre les femmes, Olympe de Gouges avertit pourtant Marie-Antoinette, à qui est dédié le préambule : plutôt que d’intriguer et de devenir l’« implacable ennemie des Français », la reine ferait mieux de travailler au retour des princes exilés et de défendre la cause des femmes.

Les femmes, des sujets à part entière ?

La partie centrale de la brochure, connue sous le nom de Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, est une reprise parodique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Votée deux ans plus tôt, le 26 août 1789, celle-ci reconnaît pour la première fois les femmes comme des sujets dotés des pleins droits civils mais ne s’adresse en réalité qu’aux seuls « hommes ». Depuis le début de la Révolution, en effet, les femmes sont non seulement exclues du droit de vote, de la participation à la garde nationale, mais elles sont aussi reléguées aux fonctions subalternes de la nouvelle communauté civique. Elles ne sont donc pas des citoyennes à part entière : le texte dénonce avec vigueur l’appropriation masculine de l’universalisme révolutionnaire.

« Homme, (…) qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? » : Olympe de Gouges affirme que la supériorité en droit des hommes n’a aucun fondement dans la nature. L’homme révolutionnaire est ici poussé dans ses contradictions : « il prétend jouir de la révolution et réclamer ses droits à l’égalité ». Appliqués aux « citoyennes et aux citoyens », les articles de la Déclaration soulignent par contraste l’absence des femmes dans le texte de 1789. Le premier d’entre eux l’affirme sans ambiguïté : « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droit ». Détentrices de la souveraineté comme les hommes, les femmes doivent pouvoir prétendre à la propriété (art. II), à la liberté (art. II et IV), aux fonctions publiques (art. VI), et à résister à l’oppression (art. II). Comme les hommes, elles doivent aussi obéir à la loi (art. VII), servir dans la garde nationale ou payer des impôts (art. XIII). Et comme les hommes, on ne peut attendre d’elles qu’elles remplissent leurs devoirs qu’en contrepartie de droits : « la femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune » (art. X).

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Média

Olympe de Gouges - crédits : incamerastock/ Alamy/ Hemis

Olympe de Gouges