DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE (O. de Gouges) Fiche de lecture
Une autonomie déniée
Moins connu, le postambule commence par une injonction : « Femme, réveille-toi ». Les femmes doivent prendre conscience des injustices que leur font subir les hommes, et passer à l’action. « Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé », souligne Olympe de Gouges. Sa déception n’est pas infondée : depuis 1789, l’active participation des femmes à la Révolution a provoqué de nombreux retours de bâton. Évoquant le Plan d’Instruction publique que Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838) propose au même moment à l’Assemblée nationale (10, 11 et 19 septembre 1791), Olympe de Gouges revendique pour les femmes l’accès à l’éducation : dans une société fondée sur des conceptions graduées de la citoyenneté, elle sait parfaitement que les femmes n’obtiendront des droits politiques qu’une fois qu’elles seront jugées intellectuellement autonomes par les hommes. Sensible à la solidarité entre les opprimés, elle compare même le sort des femmes à celui des esclaves. Méfiante envers les militantes, Olympe de Gouges se préoccupe néanmoins aussi des droits des femmes pauvres : votée au printemps 1790, la loi sur l’égalité des successions n’autonomise, selon elle, que les femmes aisées. Partisane d’un nouveau type d’union conjugale, fondée sur la réciprocité et la communauté des intérêts, ainsi que sur le droit mutuel à la séparation, Olympe de Gouges revient à la fin de son texte sur les « nouveaux abus », qui ne touchent pas seulement les femmes, mais aussi les libres de couleur, qui restent frappés par un ensemble d’interdictions et d’exclusions. Au moment où elle écrit sa Déclaration, les députés s’apprêtent en effet à annuler le décret des 11-15 mai 1791, qui avait pour la première fois accordé l’égalité des droits aux gens de couleur, nés de père et de mère libres.
Assez peu lu pendant la Révolution française, ce texte très radical ne doit néanmoins pas être déchiffré avec les yeux de notre siècle : conformément aux cadres de pensée des Lumières, il ne conteste pas vraiment le différentialisme sexuel. En appelant les hommes et les femmes à « faire bon ménage », Olympe de Gouges s’inscrit dans un idéal de complémentarité qui émancipe les femmes, mais avant tout comme des épouses et des mères, c’est-à dire dans les limites du couple conjugal et de la fonction maternelle. Ce n’est qu’au xixe siècle que la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne sera célébrée par les premières féministes comme un de leurs textes fondateurs, au prix, donc, de quelques simplifications et actualisations.
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Écrit par
- Guillaume MAZEAU : maître de conférences en histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média