DÉCOLONISATION
La décolonisation de l'Empire britannique
Très tôt convaincus que l'Asie allait revenir aux Asiatiques, les Britanniques furent les premiers Européens à se résigner à la décolonisation. L'émancipation de l' Inde avait été vainement demandée depuis la fin du xixe siècle par l'Indian Congress, le parti du Congrès. Mais celui-ci devint, dans l'entre-deux-guerres, un puissant mouvement nationaliste de masse que les Britanniques divisèrent de leur mieux en encourageant les modérés et la Ligue musulmane. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'attitude de « non-coopération » hostile prit un tour violent : le mot d'ordre du parti du Congrès était devenu : « Les Anglais hors de l'Inde » (Quit India). Ceux-ci parvinrent, malgré l'échec de leurs projets de réforme, à éviter une insurrection.
Le plan du 16 mai 1946 prévoyait l'indépendance d'une Union indienne de style fédéral, mais le conflit religieux et politique entre hindous et musulmans, qui réclamaient un État presque autonome, en démontra l'impossibilité. On s'acheminait en réalité vers la partition du sous-continent indien.
Le 20 février 1947, le Premier ministre travailliste Clement Attlee annonça que « le pouvoir serait transféré à des mains indiennes, au plus tard en juin 1948 ». Sur place, lord Mountbatten, dernier vice-roi, organisa le partage des deux futurs États du Pakistan musulman et de l'Inde, sans éviter une terrible guerre de religion et l'exode massif des populations : 4 millions de sikhs avaient fui le Pakistan, et 6 millions de musulmans s'y étaient réfugiés. Les six cents États princiers et leurs 89 millions d'habitants durent intégrer l'Union indienne. Proclamée République indienne souveraine et indépendante, celle-ci n'en accepta pas moins d'entrer dans le Commonwealth rénové. Le Pakistan adopta la même attitude politique en 1955.
Les Britanniques avaient également jugé indispensable d'accorder l'indépendance aux anciens glacis de l'Inde : Ceylan reçut le statut de dominion, le 14 novembre 1947, et la Birmanie, devenue Union birmane, reçut son indépendance le 4 janvier 1948, bien qu'elle eût refusé d'entrer dans le Commonwealth. En Malaisie, pays multiracial très divisé, fut d'abord tentée la création, en 1946, d'une Union malaise, dont était exclu Singapour. Devant l'échec de cette formule, rejetée par les nationalistes malais, une nouvelle Fédération malaise fut mise sur pied en février 1948, qui favorisait les Malais aux dépens des Chinois. Mais ces derniers soutinrent une révolte d'inspiration communiste qui se prolongea de 1948 à 1960. Pourtant la Fédération malaise obtint progressivement, entre 1951 et 1957, une totale indépendance, tandis que Singapour devenait autonome en 1959.
En Afrique, la décolonisation britannique avait été programmée dès 1948 par les travaillistes, qui estimaient que trente ans seraient nécessaires pour la mener à bien. En fait, les impatiences des nationalistes africains allaient raccourcir les étapes. En 1960, le Premier ministre conservateur Harold Macmillan reconnut que la politique britannique allait s'adapter au « vent du changement » ; en clair, cela signifiait qu'il fallait accélérer le rythme du désengagement. Mais déjà, dans les années précédentes, la Grande-Bretagne avait consenti d'importantes concessions. En Afrique noire, ce fut la Gold Coast qui ouvrit la voie des décolonisations. Un leader charismatique, Kwame Nkrumah, réussit, malgré les divisions ethniques du pays, à obtenir l'indépendance complète le 6 mars 1957. La Gold Coast, rebaptisée Ghāna, entra cependant dans le Commonwealth. Le Nigeria, création coloniale récente, était une mosaïque de peuples divers, sans unité religieuse ni ethnique. Les Britanniques tentèrent,[...]
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Écrit par
- Charles-Robert AGERON : professeur émérite à l'université de Paris-XII-Val-de-Marne
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