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DÉCROISSANCE (CRITIQUE DE LA)

Une crise écologique majeure est aujourd'hui avérée : pollutions, épuisement des ressources, réchauffement du climat, les menaces sont globales mais visent en premier lieu les populations les plus pauvres. La simultanéité de cette crise écologique avec une crise sociale renforce le caractère inédit de la situation : chômage, précarisation de la force de travail, mise en concurrence des systèmes sociaux par la libéralisation des services publics et de la protection sociale et difficulté à faire face à la crise écologique semblent bien résulter du nouveau régime d'accumulation à dominante financière qu'impulse le capitalisme mondialisé.

Ainsi, la croissance économique infinie est-elle tout d'abord mise en cause pour son productivisme dévastateur, mais, au-delà, les promesses du développement dont pourraient profiter tous les êtres humains n'ayant pas été tenues, elle en vient à son tour à être mise en question. Se saisissant de la problématique de la conciliation entre les objectifs de développement et ceux de préservation de l'environnement, l'ONU a fait adopter par tous les États l'objectif de « développement durable » (ou sustainabledevelopment) défini en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, dans le rapport Brundtland. Équité intra-générationnelle et équité inter-générationnelle sont au cœur de cette définition : « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». En 2015, dix-sept objectifs de développement durable ont été adoptés par l’ensemble des États membres de l’Organisation des Nations unies dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon de 2030.

Cependant la notion de « soutenabilité » se prête à deux interprétations diamétralement opposées. L'une, dite faible, postule la substituabilité continue entre les facteurs de production, qui sera permise par le progrès technique, à condition que l'on internalise les effets externes, soit par le biais d'une tarification, soit par celui de l'instauration de droits de propriété sur les biens naturels pour en permettre ensuite l'échange libre sur un marché ad hoc. La maximisation de la satisfaction de toutes les générations peut alors être identifiée à une croissance perpétuelle de la consommation par tête. L'autre conception, dite forte, suppose la complémentarité des facteurs, renonce à l'hypothèse de rationalité d'individus isolés et autonomes et envisage une régulation politique à la place de celle du marché. La première conception étant largement dominante, aussi bien parmi les économistes de l'environnement que parmi les décideurs politiques et économiques, le développement durable est récusé par ceux qui pensent qu'il ne sert que de paravent à la poursuite d'une croissance économique sans fin, d'autant que le rapport Brundtland la déclare nécessaire.

Cela explique l'émergence ou la réémergence de critiques du développement allant bien au-delà de la vision du développement durable, devenue au fil des ans largement consensuelle. Parmi elles, figure la décroissance, qui au sens strict signifie la baisse de la production, alliée le plus souvent au refus du développement. D'où vient cette thèse qui a renouvelé une problématique ancienne, que propose-t-elle et quelles en sont les limites ?

Les trois sources de la décroissance

L'économie politique pessimiste sur l'avenir du capitalisme

David Ricardo - crédits : AKG-images

David Ricardo

Dès sa naissance, l'économie politique avait attiré l'attention sur le risque d'« état stationnaire » qui guettait le capitalisme. En particulier, Ricardo pronostiquait que, en raison de la diminution des rendements agricoles consécutive à la mise en culture de terres de moins en moins fertiles pour répondre aux besoins d'une[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences d'économie à l'université de Bordeaux-VI, président de l'association Attac France

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Médias

David Ricardo - crédits : AKG-images

David Ricardo

Thomas Malthus - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Thomas Malthus

John Stuart Mill - crédits : London Stereoscopic Company/ Hulton Archive/ Getty Images

John Stuart Mill