DELAROCHE HIPPOLYTE dit PAUL (1797-1856)
« À côté de M. Ingres et de M. Delacroix qui n'avaient et ne pouvaient avoir, en raison de leur absolutisme, qu'une action circonscrite sur le goût public, il y avait place pour un artiste dont le rôle consisterait à concilier, au moins en apparence, les doctrines ennemies et à se faire l'interprète des aspirations de tous. M. Delaroche prit ce rôle difficile et il le remplit avec un plein succès. » Cet éloge du vicomte Delaborde (1857) explique à la fois la célébrité du peintre, mais aussi la défaveur où il est resté depuis. Un artiste du juste milieu et un artiste installé, puisqu'en épousant la fille d'Horace Vernet il bénéficiait du pouvoir de la dynastie Vernet. En fait, Delaroche a défini autant qu'exprimé ce goût moyen si honni mais si populaire, et l'artiste est sûrement l'un des plus doués du siècle.
Si, par le choix de ses sujets, Delaroche s'inscrit dans le romantisme militant, il faut admettre qu'il y a apporté une poétique personnelle : une méditation sans cesse renouvelée sur les malheurs des grands et la fragilité des carrières, mais aussi un attendrissement sur la dignité dans les épreuves. Les Enfants d'Édouard (1831, Louvre), blottis l'un contre l'autre, en entendant les pas de l'exécuteur, Cromwell ouvrant le cercueil et contemplant le cadavre décapité de Charles Ier (1831, Nîmes), la Scène de la Saint-Barthélemy (1826, musée de Koenigsberg), où un ligueur découvre encore vivant le jeune Caumont La Force sous les corps de sa famille et accepte de le sauver, Marie-Antoinette sortant de son procès (1851, ancienne collection Hunolstein), Napoléon à Fontainebleau (1845, hôtel des Invalides), autant de scènes dramatiques et pathétiques dont le pouvoir d'émotion fut intense et qui firent à Delaroche la réputation d'un Hugo mâtiné d'un Alexandre Dumas de la peinture. La continuité dans le choix des thèmes traduit en tout cas le sombre lyrisme de l'amateur d'histoire.
Le peintre lui aussi a sa manière. La Mort d'Élisabeth d'Angleterre (1827, Louvre) est encore assez proche, par sa composition complexe et par le jeu des couleurs, des grandes pages d'Eugène Devéria comme du Sardanapale qui figurait au même Salon. Mais Delaroche préfère des compositions plus statiques, limitées à quelques personnages, et s'en tient à une palette sourde, où le clair-obscur ravive les tons. Le métier deviendra malheureusement plus lisse et plus minutieux. Dans Richelieu mourant, remontant le Rhône et traînant à sa suite Cinq-Mars et de Thou (1831, Wallace Collection), de format limité, le peintre cherche trop, comme le fera Meissonier, une précision analytique. Dans d'autres œuvres, comme L'Enfance de Pic de La Mirandole (1842, musée de Nantes), on sent qu'il rivalise, à travers le schéma raphaélesque de la femme à l'enfant, avec Ingres. La densité des tons locaux, le jeu des arabesques, autant de témoins de cet accommodement avec l'autre parti, celui des linéaires.
Grâce à ce talent divers, le peintre religieux, comme dans la Mater dolorosa (1853, musée de Liège) et L'Évanouissement de la Vierge (1856, Louvre), pouvait exactement traduire la spiritualité émue du revival des années cinquante, dans des images plus proches assurément des Bolonais que des préraphaélites chers aux ingresques. La synthèse, si moquée, devient originale dans la grande décoration de l'hémicycle de l'École des beaux-arts, qui reste son chef-d'œuvre et le chef-d'œuvre de la peinture éclectique.
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Écrit par
- Bruno FOUCART : professeur à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Médias
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