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DÉLOCALISATIONS

Les délocalisations dans les pays industrialisés

Une réalité moins connue

L'observation précise du comportement des entreprises révèle que les délocalisations se réalisent souvent entre pays industrialisés. L'Italie est, par exemple, l'une des principales destinations des délocalisations dans les secteurs du textile ou de l'imprimerie. Dans la pharmacie ou la construction aéronautique, les délocalisations s'effectuent essentiellement dans des pays à hauts salaires. Dans le cas de la France, la moitié des délocalisations se font vers les pays industrialisés. Les emplois délocalisés correspondants représentent 6 p. 100 des fortes réductions d'effectifs, ou 0,2 p. 100 de l'emploi industriel total. Les cas individuels collectés par le Centre européen sur les restructurations d'entreprises confirment les observations statistiques. Les délocalisations, que ce soit vers les pays développés ou vers ceux à bas salaires, ne représentent qu'une minorité des restructurations d'entreprises en Europe (restructurations internes, fusions-acquisitions, faillites...) – 12 p. 100 au cours des dernières années dans le cas de la France.

Le fait que les pertes d'emplois dues à la concurrence des pays émergents soient concentrées sur certains secteurs et certaines régions produit un effet grossissant qui brouille le diagnostic d'ensemble. Les pertes d'emplois dues aux délocalisations dans les pays industrialisés sont, quant à elles, moins concentrées sur des secteurs menacés et concernent des personnes relativement plus qualifiées. Les reclassements sont donc plus faciles, que ce soit au sein des groupes ou dans d'autres entreprises. Quoi qu'il en soit, les pertes d'emplois non qualifiés sont plus largement dues au progrès technique et à la concurrence par l'innovation, notamment entre entreprises des pays industrialisés.

Un indicateur de la mutation du système productif

Les délocalisations sont parfois apparues comme le symbole du climat d'insécurité sociale dont souffre la France. En Allemagne, elles sont aussi dénoncées, mais le débat public porte plus généralement sur les pressions que subit le « modèle allemand », avec des réactions hostiles aux prises de participation étrangères dans le capital des entreprises. Au-delà des spécificités locales dues à la conjoncture, au profil des économies nationales ou aux arguments développés lors de campagnes électorales, le débat sur les délocalisations présente un paradoxe. Alors que les délocalisations s'inscrivent dans l'évolution des économies avancées vers des activités plus productives, elles sont souvent considérées comme des signes de l'affaiblissement du système productif national. Ce paradoxe s'explique par le contraste entre la forte visibilité des délocalisations vers les pays à bas salaires et la faible visibilité de leurs effets positifs sur l'économie.

Les effets négatifs des délocalisations sur l'emploi sont particulièrement visibles car ils sont directs et immédiats. Les effets positifs sont, au contraire, plus diffus et demandent un certain délai pour se concrétiser. Les consommateurs bénéficient de la baisse des prix de certains produits en provenance de pays à bas salaires. L'accroissement du pouvoir d'achat qui en résulte peut se traduire par des dépenses accrues sur d'autres postes. La baisse des prix des produits industriels peut aussi avoir des effets positifs pour le système productif. Aux États-Unis, dans les années 1990, la baisse des prix des produits informatiques importés a stimulé l'équipement des entreprises, avec un impact positif sur la productivité et la croissance. La croissance actuelle des importations de services pourrait aussi stimuler la productivité américaine. Dans les services informatiques, une étude de Jacob Kirkegaard montre que les pertes[...]

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Écrit par

  • : responsable études économiques, Institut français des relations internationales

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Médias

Exportations mondiales : part des pays à bas salaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Exportations mondiales : part des pays à bas salaire

Industrie française : emplois délocalisés, 1995-2001 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Industrie française : emplois délocalisés, 1995-2001

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