DÉLOS
La ville hellénistique
En marge de ce grand centre religieux surgit après 166 av. J.-C. une ville nouvelle, cinq fois plus grande (95 ha ; 25 000 hab. au moins) que le bourg ancien, dont les maisons sont les mieux conservées du monde grec : la fouille complète du « quartier du théâtre » a révélé l'aspect d'une ville moyenne hellénistique, avec son lacis de ruelles, ses boutiques exiguës et ses maisons introverties. Ville d'exception, à vrai dire, puisque le statut sacré de l'île lui permet de n'avoir pas de remparts et que son nouveau statut fiscal y attire des hommes d'affaires de toutes nationalités, qui affichent un hellénisme d'autant plus ostentatoire qu'il est tout neuf. Car si leurs croyances, attestées par l'installation de nombreux sanctuaires de divinités non grecques, révèlent leurs origines très diverses (les plus nombreux sont les Italiens et les Orientaux, Phéniciens et Syriens), leurs demeures montrent qu'ils sont hellénisés : plans, techniques de construction et décors sont grecs, et réalisés souvent par des artisans locaux.
Quelle que soit leur grandeur (entre 110 et 400 m2), la plupart des maisons participent du type hellénistique à péristyle : sur une cour centrale à colonnade, sous laquelle est souvent aménagée une citerne qui recueille l'eau des pluies trop rares, ouvrent les pièces de réception et de service, tandis que les chambres sont généralement placées à l'étage. Certaines, quand la déclivité prononcée du terrain y invite, ont plusieurs étages (trois à la Maison de l'Hermès) ou au moins une petite tour (Maison des Comédiens) : la vue dégagée et l'air plus pur sont un luxe précieux dans cet habitat très dense. Les matériaux sont hétéroclites : les murs, à deux parements indépendants suivant la tradition cycladique, sont le plus souvent faits de moellons de gneiss et de schiste non liés, le marbre étant réservé au péristyle et aux portes ; on rencontre même des cloisons en terre crue retenues par un coffrage de stuc. Cette négligence de la maçonnerie, que masquent les enduits muraux, s'explique en partie par la hâte des constructions dans cette ville en pleine expansion. Dans 70 p. 100 des cas connus, les enduits présentent un décor, généralement polychrome, dont la composition évoque parfois, par des moulures en relief, l'appareil des murs de la grande architecture. Un trompe-l'œil fait de guirlandes entre des colonnes corinthiennes (Maison de l'Épée) annonce même le Deuxième Style des décors pompéiens et l'existence de plafonds peints est maintenant attestée dans deux maisons.
La mosaïque, quant à elle, est réservée aux pavements, suivant l'usage grec. Les deux tiers, purement utilitaires, sont sans décor. Les décors figurés sont réservés aux zones les plus en vue : l'entrée, où est parfois représenté un motif en rapport avec le propriétaire ; la salle de réception du rez-de-chaussée ; la cour centrale. Cet ensemble de mosaïques, souvent d'une grande qualité, est unique dans le monde grec. Ainsi les hôtels particuliers de Délos étaient-ils relevés d'un décor chatoyant qui préfigure celui des demeures – autrement plus vastes – de la haute société romaine.
La sculpture complétait ce décor avec plus ou moins de bonheur. Certains propriétaires n'hésitèrent pas à installer bien en vue leur statue en pied, tandis que d'autres, moins vaniteux, acquirent des reproductions de statues célèbres, comme le Diadumène de Polyclète ; mais la plupart se contentèrent de médiocres statuettes de fabrication locale, qui participent d'un artisanat décoratif et profane étranger à la tradition grecque.
Haut lieu de la religion grecque devenu plaque tournante du commerce méditerranéen, Délos fournit un témoignage unique sur ce moment historique crucial où[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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Médias
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