DELTAS
Les deltas, dont la morphologie et la structure deviennent de mieux en mieux connues grâce aux images fournies par les satellites d'observation de la Terre et aux forages pétroliers, ne se limitent pas aux constructions sédimentaires littorales classiques. Il existe en effet d'autres types de deltas, liés à des constructions sédimentaires sous-marines profondes, beaucoup plus étendus que les deltas continentaux ; il s'agit des deep-sea fans, ou éventails sédimentaires profonds.
Les deltas continentaux
Les deltas continentaux peuvent être définis d'une manière très générale comme des constructions sédimentaires élaborées au débouché des cours d'eau dans des étendues d'eau permanentes. L'origine du mot delta remonte au ve siècle avant J.-C. : il a été utilisé pour la première fois par Hérodote pour désigner la plaine alluviale du Nil, dont la forme évoque la lettre grecque Δ (delta majuscule). Les deltas résultent du dépôt des particules transportées par les cours d'eau lors de leur irruption dans un bassin de réception, par suite de processus de perte de charge. Lorsqu'il y a contact entre deux milieux de salinité différente, ces processus peuvent être accompagnés de phénomènes de floculation responsables de l'agrégation des particules colloïdales en suspension puis de leur dépôt sous forme d'argile. Les contrastes de salinité entre le cours d'eau et le bassin de réception conditionnent également la forme primaire des accumulations deltaïques ; en effet, ils impliquent des différences de densité et régissent de ce fait, au même titre que la température et la turbidité, la miscibilité des eaux.
Trois cas peuvent schématiquement se présenter. On peut d'abord envisager le cas où la densité des eaux du cours d'eau est supérieure à celle du bassin de réception. Dans la nature, c'est le cas général des torrents de montagne très chargés en particules et débouchant dans des lacs. Seule une petite partie de la charge solide participe alors à la construction du delta d' embouchure aérien, le plus souvent de taille modeste et dont la forme est allongée dans le sens de l'émissaire. Mais l'essentiel de cette charge est transporté par une veine d'eau qui se propage au contact du fond sous forme d'un courant de turbidité qui peut se déplacer sur une très longue distance avant de libérer sa charge. Son délestage aboutit alors à une accumulation sédimentaire sous-aquatique en forme d'éventail. Tel est le cas notamment du Rhône débouchant dans le lac Léman, ou du Colorado dans le lac de barrage Mead. Dans un deuxième cas, la densité des eaux de l'émissaire est voisine de celle des eaux du bassin de réception (dans la nature, ce cas est représenté par exemple par le fleuve Terek se jetant dans la mer Caspienne). La pénétration du cours d'eau dans le bassin se fait alors sur un très large front, et ses eaux, parfaitement miscibles avec celles du bassin, sont fortement ralenties. Les sédiments sont déposés le long d'un arc enveloppant l'embouchure et tendant à l'obturer. De nouveaux chenaux sont alors créés puis obturés de la même façon. À un stade avancé de ce processus, un cône sédimentaire à front arqué est élaboré. Dans un dernier cas, enfin, la densité des eaux de l'émissaire est inférieure à celle du bassin de réception. Ce cas, très général puisqu'il s'applique à la plupart des fleuves débouchant dans la mer, est celui que nous considérerons par la suite.
Ces deltas installés à la limite du domaine marin ont ceci de particulier qu'ils représentent le plus souvent le résultat d'un conflit entre les phénomènes d'accumulation par le cours d'eau et de destruction par les agents hydrodynamiques liés au bassin de réception (courants de marée, de dérive littorale, vagues, etc). On[...]
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Écrit par
- Gilbert BELLAICHE : directeur de recherche au C.N.R.S.
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