DÉMENCE
L'évolution démentielle
La désorganisation globale et progressive de l'ensemble des facultés mentales rend malaisés une description synthétique des troubles démentiels.
– Au début, la démence, d'installation insidieuse, peut ne pas s'imposer avec évidence, et l'existence de la détérioration intellectuelle ne sera affirmée que sur des données psychométriques. Des troubles de l'humeur, des préoccupations délirantes, le plus fréquemment à type de persécution ou de préjudice, des altérations de la mémoire, affectant plus gravement les souvenirs récents que les faits anciens, peuvent en marquer le début. Ailleurs, des actes médico-légaux, des difficultés socioprofessionnelles révèlent des troubles déjà évolués et le plus souvent méconnus de l'entourage. Le déficit mental affecte pourtant déjà l'ensemble des fonctions intellectuelles et intéresse à la fois raisonnement, jugement, abstraction, compréhension, association des idées et attention.
L'examen psychométrique précise l'existence de la détérioration intellectuelle et permet dans une certaine mesure d'en apprécier l'importance. Il fait la part entre le niveau d'efficience antérieure, jugé sur certains tests mieux exécutés, comme le test de vocabulaire de Binois et Pichot, et l'efficience actuelle. L'échelle de Wechsler-Bellevue, avec les épreuves « qui tiennent » (surtout de vocabulaire) et celles « qui ne tiennent pas » (arithmétique, cubes de Kohs, code, etc.), permet l'appréciation d'un indice de détérioration ; le test de rétention mnésique de Benton, le PM 38 (progressive matrice 38 de Raven) sont également très sensibles à cet égard.
Toutes ces épreuves sont utiles car, en pratique, la bonne conservation des structures verbales, des automatismes socioprofessionnels acquis, la bonne adaptation à un milieu et à ses habitudes peuvent faire illusion pendant longtemps et masquer la détérioration intellectuelle. Celle-ci se révèle souvent de manière brutale lorsque les circonstances amènent le sujet à quitter son milieu et ses habitudes.
– À un stade plus avancé, la démence est évidente. Les troubles profonds du jugement et de la conduite s'expriment par des actes absurdes, des erreurs professionnelles grossières et répétées, des atteintes à la moralité et à la sexualité. Des troubles de l'orientation temporo-spatiale peuvent entraîner des fugues avec errances. La capacité d'expression verbale est très altérée, avec réduction importante du stock idéique, usage de formules stéréotypées. Le fonds mental est grossièrement désorganisé et l'indifférence aux échecs, aux erreurs, va souvent de pair avec une profonde indifférence affective, une négligence de l'entourage et de soi-même.
En pratique, l'affirmation du processus démentiel après élimination de divers diagnostics (tumeurs frontale ou de la base du cerveau, états confusionnels toxiques ou infectieux) rend indispensable, en plus des sanctions thérapeutiques possibles, des mesures de protection comme l'assistance d'un conseil judiciaire ou l'interdiction mettant le malade en tutelle. De même, des mesures d'internement seront à envisager si des troubles importants du comportement et l'absence d'un milieu familial capable d’assistance le nécessitent.
– À la phase terminale, la désintégration psychique est profonde : troubles du comportement, activité insolite et désordonnée, incurie, gâtisme, malpropreté, apragmatisme. La désorientation est complète, les troubles mnésiques massifs, l'indifférence totale. Le langage peut être massivement appauvri jusqu'au mutisme terminal, avec quelques propos stéréotypés ou quelques phénomènes itératifs (écholalie, palilalie). Les troubles du comportement, l'agitation, la turbulence, le gâtisme imposent l'internement.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Raymond ESCOUROLLE : professeur à la Salpêtrière
- Joël GREGOGNA : avocat à la Cour
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Autres références
-
ALZHEIMER MALADIE D'
- Écrit par Nathalie CARTIER-LACAVE
- 1 872 mots
C' est le psychiatre allemand Emil Kraepelin, en 1912, dans son Traité de psychiatrie, qui a donné le nom de maladie d'Alzheimer à cette démence dégénérative affectant le sujet « jeune ». Cet état pathologique a été décrit en effet pour la première fois en 1907 par son confrère et compatriote...
-
ENCÉPHALOPATHIES SPONGIFORMES
- Écrit par Dominique DORMONT
- 6 599 mots
- 3 médias
...s'associer parfois des troubles visuels et des signes pariétaux (paresthésies d'un hémicorps). La phase d'état se caractérise surtout par la confirmation du syndrome démentiel ; les signes neurologiques observés au début se bilatéralisent, et des contractions musculaires brusques et inopinées (myoclonies),... -
ESQUIROL JEAN ÉTIENNE DOMINIQUE (1772-1840)
- Écrit par Jacques POSTEL
- 484 mots
Psychiatre français originaire de Toulouse, où il fit ses études de théologie et de médecine, comme son maître Pinel, dont il devint l'élève, puis l'assistant à la Salpêtrière à Paris, avant de lui succéder à la tête de ce célèbre service en 1810. Esquirol perfectionna l'œuvre de son prédécesseur,...
-
GÉRONTOLOGIE
- Écrit par Claude BALIER , François BOURLIÈRE , Martine DRUENNE-FERRY , Paul PAILLAT et Henri PÉQUIGNOT
- 9 305 mots
- 2 médias
...longtemps comme constituant l'essentiel de la pathologie sénile, mais, à vrai dire, on a mis sur leur compte nombre de maladies décrites précédemment. En principe d'origine organique, soit par dégénérescence des cellules du cerveau (démences séniles et préséniles), soit par des lésions des artères du... - Afficher les 11 références