DÉMENCE
Démence et responsabilité pénale
Si, comme les positivistes, on ne s'attache qu'au trouble social provoqué par une infraction, la démence ne devrait pas entrer en ligne de compte pour le calcul du quantum de la peine. Il en est tout autrement lorsqu'on s'interroge sur la culpabilité, sur la responsabilité pénale de l'individu : si l'on adopte ce deuxième principe, cela signifie que, pour être prise en considération, la démence doit s'être manifestée au moment même de l'action.
Le droit français du Moyen Âge voyait dans la démence une manifestation du pouvoir du Diable. En conséquence, c'était rendre un service à la société et à l'âme de l'individu que de l'éliminer. À la fin de l'Ancien Régime, la démence commença à apparaître comme une cause de non-culpabilité, et on le voit notamment en matière de suicide, où le suicidé, dément au moment de l'action, n'était pas condamné et n'encourait pas la confiscation de ses biens. Mais il ne s'est jamais agi d'une véritable cause d'imputabilité à proprement parler. Il faudra attendre le Code pénal de 1810 pour que l'article 64 dispose : « Il n'y a ni crime ni délit – ajoutons contravention – lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action... » Mais il ne définit pas la démence. Il est, cependant, certain que ce terme doit en fait s'entendre dans le sens d'« aliénation mentale ».
En principe, la même politique de non-définition est adoptée dans les pays étrangers. Ainsi, le Code pénal allemand dispose qu'« il n'y a pas d'acte punissable lorsque son auteur était, lors de la perpétration de cet acte, dans un état d'inconscience ou de trouble maladif de l'activité de l'esprit, excluant la détermination libre de sa volonté ». Quant au Code pénal hollandais, il stipule : « Quiconque commet un fait qui ne peut lui être imputé à cause du développement incomplet ou du trouble maladif de son intelligence n'est pas punissable. » Il n'y a, en fait, qu'en droit anglais que l'on trouve certaines règles dégagées par les magistrats pour déterminer en quoi consiste exactement la démence, et quand il y a démence.
Les rédacteurs du nouveau Code pénal de 1992 ont abandonné la notion de démence, trop générique. La nouvelle formulation de l'article 122-1 du nouveau Code a surtout le mérite d'introduire dans la loi des distinctions observées depuis longtemps par la jurisprudence. Dans son premier alinéa, cet article dispose en effet que « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Dans ce premier cas, qui recoupe en fait la situation définie par l'ancien article 64, si l'expertise psychiatrique (obligatoire en matière criminelle) établit l'existence d'un tel trouble au moment de l'infraction, le juge déclare la personne irresponsable et prononce, selon l'état de l'affaire, un non-lieu, une relaxe ou un acquittement. Le « gardien », au sens juridique du terme, peut toujours être condamné, sur le fondement des principes de la responsabilité civile, à réparer le préjudice qu'a causé le dément à la victime. Si l'état d'aliénation ne se manifeste qu'après l'infraction, mais avant toute condamnation définitive, les poursuites sont suspendues. Si cet état d'aliénation mentale ne survient, par contre, qu'après que la condamnation est devenue irrévocable, les peines pécuniaires et les peines privatives de droit demeurent. Cependant, toutes les peines privatives de liberté ne peuvent être en aucun cas appliquées.
Le deuxième alinéa de l'article 122-1 du nouveau[...]
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Écrit par
- Raymond ESCOUROLLE : professeur à la Salpêtrière
- Joël GREGOGNA : avocat à la Cour
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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