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DÉMONSTRATION (notions de base)

C’est sans conteste au sein des mathématiques que sont nées les premières démonstrations, au plein sens du terme. Avant les mathématiques et en dehors d’elles, le verbe « démontrer » avait un sens plus faible signifiant « argumenter », qui s’est imposé avec la naissance de la démocratie à Athènes au milieu du ve siècle avant notre ère. L’isonomie – égalité de droit – entre les citoyens rendait impossible la présence au-dessus d’eux d’une autorité suprême détentrice de la vérité. Les hommes, quel que soit le type de société dans lequel ils vivent, ont un besoin vital de s'accorder sur un grand nombre de principes communs.

L’autorité de la raison

La première manière qu’élaborèrent les Athéniens pour parvenir à un tel accord fut la « persuasion ». En démocratie, la parole est reine, et celui qui la maîtrise détient le vrai pouvoir. Une classe émergea, celle des sophistes, qui privilégiaient les règles de la rhétorique permettant à tous ceux qui voulaient être élus par l’assemblée du peuple de prononcer les discours les plus convaincants possible. Avec le risque que la démocratie ne devienne démagogie, le peuple étant alors manipulé par un orateur charismatique.

Contre les sophistes, Platon (env. 428-env. 347 av. J.-C.) s’efforça d’étendre les démonstrations dont usaient les premiers géomètres à toutes les constructions de la pensée. « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » : la formule gravée au fronton de l’école de Platon, l’Académie, suffit à montrer le chemin proposé par le philosophe à ses disciples. À l’autorité archaïque des vérités religieuses et à l’autorité plus récente des discours convaincants, Platon substitue l’autorité de la raison. Celui auquel on présente une démonstration n’est nullement contraint : on lui donne les moyens de retrouver par lui-même la validité des propositions qui lui sont proposées. La démonstration s’impose sans contrainte à toute personne dotée de logique. Mais peut-on démontrer la logique elle-même ? Autour de cette interrogation s’est jouée une grande partie de l’évolution intellectuelle de notre civilisation.

Quand le débat apparaît en même temps que la démocratie, d’innombrables « bruits » viennent perturber la communication entre les hommes : le bruit des passions, le bruit des préjugés, le bruit des désirs. Dès lors, on peut comprendre la séduction qu’a opérée sur les Grecs des ve et ive siècles avant notre ère ce discours inouï qu’est le discours mathématique. Pour ce faire, il est nécessaire de distinguer « science faite » et « science se faisant ». Au collège ou au lycée, on apprend des théorèmes mathématiques découverts depuis parfois plus de deux millénaires (le théorème de Thalès, par exemple). Mais on oublie qu’avant d’être démontrés ces théorèmes ont fait l’objet de débats entre des mathématiciens qui n’étaient pas forcément d’accord entre eux. Cependant, quand ils échangeaient à propos de leurs hypothèses, et à la différence de tous les autres débats présents dans la société de l’époque, aucun tiers ne venait s’interposer entre eux, aucun « bruit » ne venait perturber leurs échanges. En procédant de la sorte, les mathématiciens inauguraient un nouveau type de communication qu’on a pu qualifier de « quasi parfaite » : c’est elle qui servira de modèle à tous les échanges auxquels procéderont par la suite les hommes de science.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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