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DÉMONSTRATION (notions de base)

La logique, un outil pour penser

Aristote (env. 385-322 av. J.C.), moins sensible à la beauté de la géométrie que son maître, se lança dans une vaste entreprise qui n’est pas sans lien avec celle de Platon. Convaincu que la géométrie était une discipline trop élitiste pour modifier la donne politique de l’époque, il élabora contre les sophistes un outil plus accessible et peut-être plus efficace : la logique. Organon, mot grec qui signifie « outil », est précisément le titre qu’il donna aux ouvrages qu’il consacra à la logique. En établissant les règles du raisonnement correct, le philosophe donnait des armes à tous ceux qui suspectaient à juste titre dans les discours des sophistes des artifices manipulatoires (on parle depuis lors de « sophismes »).

Le propre de la logique est qu’elle concerne tous les discours humains, du plus banal et du plus quotidien au plus scientifique. Ces règles de la logique n’ont pu être mises en évidence que parce qu’une connaissance de la pensée par elle-même avait vu le jour. La logique est de fait une « pensée de la pensée », une « métapensée », qui étudie les processus que doit suivre quiconque a la prétention de prononcer un discours qui s’imposera à tout être doué de raison.

La logique d’Aristote établit les principes du discours cohérent par le biais des règles du syllogisme, ce raisonnement qui tire une conclusion de deux prémisses ( des propositions posées initialement dont on suppose la vérité), en associant deux à deux trois termes différents. L'un des termes, appelé moyen terme, est commun aux deux prémisses et sert à établir un lien entre elles. Un exemple de syllogisme très souvent cité n’est pas présent chez Aristote, qui refuse de recourir à des individus (appelés « singuliers » en logique) dans les exemples qu’il propose. On peut cependant le retenir à titre d’illustration : « Tous les hommes sont mortels (prémisse majeure) / Or Socrate est un homme (prémisse mineure) / Donc Socrate est mortel (conclusion). » Aristote est conscient des limites de ce discours « vrai » autant que Platon l’était du caractère hypothétique des théorèmes géométriques. Le syllogisme impose seulement cette séquence : s’il est vrai que les hommes sont mortels et s’il est vrai que Socrate est un homme, alors nous sommes contraints d’admettre (sauf à nous contredire) que Socrate est mortel.

Mais une autre dimension hypothétique plus gênante encore apparaît à Aristote. Tout discours humain doit respecter des principes sans lesquels les règles du syllogisme elles-mêmes perdent toute validité : les principes d’identité, de non-contradiction et du tiers exclu. Or ces principes sont tout aussi indémontrables que les prémisses dont ont besoin les géomètres. Pour les démontrer, il faudrait les utiliser : on ne peut donc démontrer la logique sans recourir à la logique, qui est elle-même indémontrable. On peut tout au plus convaincre son interlocuteur que le non-respect de ces principes rend tout dialogue impossible et nous précipite dans un univers aussi paradoxal que celui du « pays des merveilles » qu’imagina Lewis Carroll (1832-1898) pour son héroïne Alice.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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