DENGUE
Distribution écosystémique de la dengue et biologie des « Aedes »
Le virus de la dengue est transmis habituellement par des femelles hématophages du genre Aedes, qui s'infectent lors d'un repas de sang sur un hôte mammifère porteur du virus. Les diptères infectés vont injecter le pathogène lors d'un nouveau repas sanguin sur un hôte vertébré, y compris l'homme. La transmission vectorielle s'explique par le comportement alimentaire de la femelle, pour laquelle un repas sanguin est nécessaire pour assurer son cycle reproductif. Trois à sept jours après la piqûre, le virus apparaît dans le sang et s’y maintient de quatre à six jours, période pendant laquelle une femelle Aedes peut absorber le virus lors d'un repas de sang. Le virus se réplique activement chez l'insecte sans que cela interfère avec sa survie. Les particules virales s'accumulent dans ses glandes salivaires. La femelle Aedes devient capable de transmettre le virus dans le délai de sept à dix jours qui suit sa propre infestation, et le demeure tout au long de sa vie (en moyenne, de trois à six semaines), avec des repas sanguins qui peuvent s'échelonner tous les deux à quatre jours. Ainsi, le vecteur infecté est en mesure de transmettre l'agent infectieux chez moins d'une dizaine d'individus dans un périmètre d'environ deux cents mètres.
L'activité du virus est observée dans les zones forestières d'Afrique de l'Ouest et d'Asie, où des primates et des Aedes assurent un cycle sylvatique de transmission. Après son passage à l'homme, la dengue ne nécessite plus de cycle faisant intervenir les primates comme réservoirs pour le maintien d'une transmission épidémique chez l'homme. Une forte densité humaine comme celle des centres urbains des régions tropicales est propice à entretenir un cycle de transmission d'homme à homme via le moustique péri-urbain Aedes, ce qui va favoriser le risque d'épidémies humaines .
La dengue est devenue ainsi hyper-endémique dans plus d'une centaine de pays tropicaux et l'on estime que la maladie affecte chaque année entre 50 et 100 millions d'individus. En avril-mai 2012, une très forte épidémie a affecté Rio de Janeiro. L'expansion rapide de la dengue, associée à une sévérité accrue de la maladie, est la conséquence probable de l'essor de l'économie mondiale et de l'intensification des mouvements de populations qui en découle. Ainsi l'introduction, au début des années 1980, de variants du virus de la dengue en provenance d'Asie du Sud-Est aux Caraïbes puis en Amérique centrale et en Amérique du Sud a contribué au déclenchement d'épidémies majeures avec un nombre important de cas mortels. Aujourd'hui, les quatre types majeurs du virus de la dengue sont présents dans l'ensemble des pays d'Amérique latine et d'Asie du Sud. La progression fulgurante de la dengue depuis trente ans et l'augmentation croissante du nombre de cas de dengue hémorragique s'expliquent en grande partie par la circulation active des quatre types de virus, la propagation du vecteur péri-domestique Aedes aegypti, une urbanisation effrénée qui s'accompagne de flux permanents de populations. L'expansion géographique de la dengue est aussi la conséquence de l'abandon ou de l'échec des campagnes d'éradication du vecteur vers la fin des années 1970.
Le continent africain est exposé à la dengue mais les formes graves de la maladie sont plutôt inhabituelles pour des raisons qui restent inexpliquées. Une contingence génétique responsable d'une résistance inhérente des populations africaines aux formes sévères de la dengue n'est pas exclue. Cependant, l'émergence récente de souches sylvatiques particulièrement virulentes en Afrique de l'Ouest pourrait modifier cet état de fait. Par ailleurs,[...]
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Écrit par
- Philippe DESPRÈS : docteur d'Université en sciences, chef de laboratoire, responsable de l'unité Interactions moléculaires Flavirus-Hôtes de l'Institut Pasteur, Paris
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Médias
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