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DÉNI DE JUSTICE

Pour le magistrat, le déni de justice est le refus de statuer sur un litige qui lui est présenté. Le déni de justice constitue un délit. Refuser de rendre la justice est une décision d'autant plus grave que, dans le système français, la saisine du tribunal n'a pas lieu d'office. Or, l'obligation de rendre une décision est une des conséquences directes de cet état de fait. Plus généralement, l'ordre social exige qu'à tout litige puisse être apportée une solution de la part de la société s'exprimant à travers ses représentants ad hoc. Refuser d'apporter une solution à un litige constituerait un recul historique qui inciterait les parties à recourir à la justice privée, avec les conséquences que cela implique. L'article 185 du Code pénal français de 1810 dispose : « Tout juge ou tribunal, tout administrateur ou autorité administrative qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l'obscurité de la loi, aura dénié de rendre la justice qu'il doit aux parties, après en avoir été requis, et qui aura persévéré dans son déni, après avertissement ou injonction de ses supérieurs, pourra être poursuivi, et sera puni d'une amende [...] et de l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques depuis cinq ans jusqu'à vingt. » L'article 434-7-1 du nouveau Code pénal reprend presque mot pour mot ces dispositions. Il ressort de celles-ci qu'il y a déni de justice lorsqu'un certain nombre d'éléments constitutifs sont réunis : des personnes limitativement énumérées, une requête, un refus et une persévérance dans le refus. Sont susceptibles d'être poursuivies pour déni de justice des personnes habilitées à rendre une décision tant dans l'ordre judiciaire qu'administratif. La définition englobe donc les juridictions d'exception, mais, la formule légale étant limitative, la qualification pénale de déni de justice ne pourrait pas s'appliquer à un arbitre qui refuserait de trancher le litige qui lui serait soumis.

Quant au magistrat proprement dit, il doit enfin avoir refusé de statuer et avoir persévéré dans son refus. Il faut rechercher le pourquoi de la solution consacrée par le Code pénal de 1810 dans l'ancien droit : les juridictions supérieures en effet pouvaient dans certains cas juger aux lieu et place des juridictions inférieures, mais, laissée à la justice du suzerain, une telle possibilité était enfermée par la coutume féodale dans un formalisme strict. En 1771, Jousse écrivait : « Si l'accusation se poursuit dans une justice de seigneur et que le procureur fiscal et le juge en négligent la poursuite, le juge supérieur peut les y contraindre, ou évoquer, après les sommations nécessaires [...] ce qui d'ailleurs paraît être une suite nécessaire des articles 7, 8 et 9 du titre 1 de l'ordonnance de 1670 qui donnent au juge supérieur la prévention sur l'inférieur après vingt-quatre heures ou trois jours depuis que le crime a été commis... » (Traité de la justice criminelle en France). Aujourd'hui, l'avertissement ou l'injonction des supérieurs ne peuvent être provoqués que par les parties et non par le ministère public. Quand le délit est constitué, le parquet peut requérir d'office, même en l'absence d'une plainte des parties, celles-ci peuvent alors se pourvoir soit devant les juridictions répressives en se constituant partie civile, soit devant les juridictions civiles par la voie de la prise à partie. La jurisprudence présente, du reste, fort peu d'exemples de dénis de justice ; notons cependant que constituent des dénis de justice le renvoi d'une affaire sine die (Cassation, 1811) et le fait d'omettre de statuer sur l'un des chefs de la demande (Cassation, 1823).

— Joël GREGOGNA

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