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COLOMB DENISE (1902-2004)

Si la photographe Denise Colomb n'avait réalisé que les portraits de Nicolas de Staël (1954) et d'Antonin Artaud (1947), la postérité lui serait déjà acquise. Modèles du genre par la clarté de leur style et par leur beauté tragique, ces portraits possèdent une dimension visionnaire. Quelques mois plus tard, le peintre se jettera de la terrasse de son atelier d'Antibes et l'écrivain décédera à l'hôpital d'Ivry, rongé par la maladie. Admirable portraitiste, essentiellement durant les années 1950, de toute une génération d'artistes, Denise Colomb est aussi connue pour ses photographies d'Indochine, des Antilles ou encore de Paris. Son nom est associé à la photographie humaniste française, aux côtés de Robert Doisneau, Édouard Boubat ou Willy Ronis.

Denise Colomb, née Denise Loeb à Paris en 1902, découvre la photographie au cours d'un séjour en Indochine, de 1935 à 1937. Destinés à illustrer des carnets de voyage ethnographiques, ses premiers clichés sont déjà empreints d'une touche de réalisme poétique. En 1948, dans le cadre du centenaire de l'abolition de l'esclavage, Aimé Césaire lui confie son premier reportage aux Antilles. L'appareil photographique et les voyages seront pour elle l'instrument de son émancipation. C'est en Martinique et en Guadeloupe que Denise Colomb arrive le mieux à saisir l'essence du mouvement, d'où jaillit, dit-elle, « le pressentiment de la vie ». Ses atouts sont le tact et la discrétion. À partir de 1952, elle aborde certains problèmes sociaux de son époque. Albert Plécy publie dans Points de vue-Images du monde des reportages intitulés : « Île de Sein-île de la désolation », « 24 heures avec un médecin de campagne de Paris », ou consacrés à « La Cohabitation » entre les générations.

À la fin des années 1940, Denise Colomb réalise ses premiers portraits d'artistes, par l'entremise de son frère Pierre Loeb, qui possède une galerie réputée à Paris. Le hasard décide que le premier soit, en 1947, celui d'Antonin Artaud. À l'âge de quarante-cinq ans, la photographe, presque aussi inexpérimentée qu'une débutante, réussit néanmoins à capter l'intense douleur intérieure de celui qui professe : « le visage humain est une force vide, un champ de mort ».

Les portraits d'artistes restent la seule série qu'elle aura poursuivie avec méthode et persévérance. Par la saisie d'un geste, d'une attitude, d'une expression fugitive, d'un regard, d'un fragment d'atelier, elle restitue le souffle d'une vie et le poids de la création. Ainsi se dessine une certaine typologie de l'artiste, distinguant la calme assurance de Giacometti et de Picasso, la solide bonhomie de Calder et d'Étienne-Martin, le désespoir maquillé en romantisme de Staël, l'austérité raide de Bram Van Velde, la pose maîtrisée de Soulages et Zao Wou-Ki, la fragilité de Masson et de Gontcharova, l'énergie du geste chez Mathieu et César et les absences de Riopelle et Dubuffet. Son approche est toujours honnête d'un point de vue moral et fine d'un point de vue psychologique. Nulle emphase stylistique ne vient perturber la parfaite lisibilité des portraits. Souvent on reconnaît de véritables rencontres, comme avec Maria Elena Vieira da Silva. Parfois on ne décèle qu'un protocole de prise de vue où l'artiste s'est borné à accorder un peu de son temps précieux. Quand tel est le cas, la photographe sait se montrer assez directive pour forcer la chance. Ses armes sont, selon le peintre Jean Bazaine, « une attention et une concentration, une tendresse, une compréhension fervente, et suffisamment dominatrice, à laquelle rien n'échappe ».

Des expositions remarquables à la galerie Pierre, en 1957, et au musée des Arts décoratifs, en 1969,[...]

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Écrit par

  • : graphiste, photographe, enseignant en histoire de la photographie, diplômé de l'École nationale de la photographie (Arles)

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