PAULME DENISE (1909-1998)
Denise Paulme est restée jusqu'au terme de sa vie au service d'une discipline – l'anthropologie et son illustration muséographique – et d'un africanisme de terrain qui ne céda jamais au désenchantement. Le musée de l'Homme, l'Afrique occidentale, l'École des hautes études en sciences sociales (E.H.E.S.S.) ont jalonné son parcours intellectuel, les étapes de son activité scientifique et les moments d'une existence qui leur fut entièrement consacrée. Elle avait un constant besoin d'Afrique, la volonté tenace de contribuer à la connaissance ainsi qu'à la reconnaissance des civilisations et des sociétés négro-africaines.
Dès 1927, elle acquiert une formation juridique ; elle s'attache principalement à l'histoire du droit puis se spécialise dans l'étude des institutions du droit « primitif ». Cette orientation la conduit à l'Institut d'ethnologie de l'université de Paris, où elle reçoit l'enseignement de Marcel Mauss. Des notes de ces cours, elle effectuera plus tard l'édition sous le titre : Manuel d'ethnographie (1947). Elle admire le maître et fait sienne son exigence de rigueur, d'érudition ethnographique et sa méthode qui impose de donner à chaque objet, à chaque phénomène social, à chaque configuration culturelle son contexte spécifique.
En 1932, Denise Paulme obtient la licence en droit et le diplôme de l'Institut d'ethnologie. Depuis l'année précédente, son enracinement professionnel s'est accompli : elle participe en effet à la réorganisation du musée d'Ethnographie du Trocadéro sous la direction de Paul Rivet et de Georges-Henri Rivière. Elle contribue également à l'établissement du musée de l'Homme et occupe un poste d'assistante du Muséum national d'histoire naturelle dont le musée dépend. Chargée en 1938 du département Afrique noire de cette institution, elle se trouvera en relation de voisinage, d'affinité et d'amitié avec Michel Leiris.
En 1935, elle est membre de la mission Sahara-Soudan dont Marcel Griaule assure la direction, puis elle séjourne neuf mois chez les Dogon du Mali en compagnie de l'anthropologue et linguiste Deborah Lifchitz. Elle y recueille les matériaux de sa thèse de droit, soutenue en 1940 – sur l'Organisation sociale des Dogon de Sanga –, qui deviendra une référence majeure des études africanistes et des recherches comparatives. En 1958, Denise Paulme est élue directeur d'études à l'E.H.E.S.S. Elle contribue alors au développement du Centre d'études africaines, à la vie des Cahiers d'études africaines créés en 1960 et participe activement à la formation de plusieurs générations de jeunes africanistes.
Cette ethnologue érudite a la passion du terrain, passion qu'elle partage avec son mari et compagnon d'enquête, l'ethnologue et musicologue André Schaeffner. La Guinée et la Côte-d'Ivoire sont leurs grands domaines d'investigation. Denise Paulme s'oriente vers l'étude des « gens du riz » : en Guinée maritime, les Baga, surtout connus en raison de la fascination exercée par leur art monumental et, en Guinée forestière, les Kissi, qui sont un peuple d'agriculteurs. C'est avec l'ouvrage consacré à ceux-ci que la pratique de la monographie ethnique est renouvelée (Les Gens du riz, Kissi de Haute-Guinée française, 1954). En Côte-d'Ivoire, Denise Paulme s'attache à l'interprétation des transformations sociales et culturelles, à l'intérieur d'une même société (Une société de Côte-d'Ivoire, hier et aujourd'hui : les Bété, 1962) et au sein de l'ensemble des peuples les plus touchés par les événements d'une longue histoire de relations extérieures, les « Lagunaires ». Dans ce pays où l'innovation religieuse a foisonné,[...]
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Écrit par
- Georges BALANDIER : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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