DENISOVA HOMMES DE ou DÉNISOVIENS
Les Dénisoviens : une nouvelle espèce d’homininés ?
Peut-on parler d'espèce spécifique en ce qui concerne les Dénisoviens ? Avant de tenter de répondre à cette question, il faut se demander ce que l’on entend par espèce en paléoanthropologie et ce que ce terme signifie. Il n’y a pas de réponse consensuelle à cette double interrogation. Pour une majorité de chercheurs, il est légitime de parler d’espèces différentes lorsqu’il existe d’importantes différences anatomiques (donc génétiques) entre elles, sans pour autant considérer que cela rende impossibles quelques rares métissages sur certains territoires. Selon ce point de vue, on peut parler de « paléo-espèces » néandertalienne, dénisovienne et d’humains anatomiquement modernes alors considérés comme seuls représentants d’Homo sapiens. Mais nous savons que différentes introgressions génétiques ont été possibles entre ces trois paléo-espèces, probablement sur des territoires différents et à des périodes distinctes, dont certaines pourraient être assez anciennes – plus de 250 000 ans –, ce qui invalide l’idée d’une barrière génétique totalement hermétique entre elles. Pour une minorité de chercheurs qui préfèrent se référer à la définition biologique de l’espèce – à savoir l’appartenance à une communauté pouvant à un moment donné et sur un territoire donné se reproduire et engendrer une descendance fertile –, ces trois « paléo-espèces » ne seraient alors de fait que des sous-espèces d’Homo sapiens.
La découverte de la mandibule de Xiahe permet d’éclairer nos connaissances sur la variabilité phénotypique des Dénisoviens. L'ensemble des données scientifiques, qu’elles soient phénotypiques ou génotypiques, apporte donc un début de compréhension de l’histoire évolutive de ce groupe. Celle-ci se caractériserait par une dérive génique – comme pour la lignée néandertalienne – probablement en Asie orientale continentale. Toutefois, l’étude de la reconstitution complète de la phalange Denisova 3 – menée par des chercheurs français, américain, canadien et russes, et publiée en septembre 2019 – démontre que celle-ci présente une forme primitive et qu’elle n’a pas une morphologie dérivée comme l’ont les phalanges néandertaliennes. D’autres découvertes viendront enrichir nos connaissances et permettront de mieux comprendre l’histoire évolutive de ces lignées humaines.
Il reste aussi à connaître la variabilité des comportements des Dénisoviens. En Sibérie orientale, à Denisova, il y a environ 45 000 ans, ils semblent avoir été les artisans d’un Paléolithique supérieur « initial », particulièrement productif quant à la transformation de la matière dure animale ou minérale dans le but de fabriquer des objets. Ce Paléolithique supérieur, relativement à son ancienneté supposée, est plus riche et techniquement plus complexe que celui développé par des hommes anatomiquement modernes en Europe de l’Ouest il y a environ 40 000 ans. Pourtant, les Dénisoviens, comme les Néandertaliens, ont disparu pour laisser la place à une seule lignée humaine sur la Terre, celle dont nous sommes les descendants.
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Écrit par
- Bruno MAUREILLE : directeur de recherche au CNRS, directeur du département de sciences archéologiques de l'université de Bordeaux
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