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DENYS ou PSEUDO-DENYS L'ARÉOPAGITE (Ve-VIe s.)

La divinisation

La divinisation des intelligences est à la fois connaissance et activité, et elle revêt trois aspects : purification (κάθαρσις), illumination (ἔλλαμψις), perfection ou union (τελείωσις, ἕνωσις), avec cette réserve que, chez les anges, la purification, simple élimination d'une ignorance antérieure, ne comporte rien de matériel, nulle référence à des fautes passées. Ces trois aspects ne sont absents d'aucun niveau de la hiérarchie, mais ils sont plus particulièrement répartis, selon leur propre hiérarchie interne, entre des triades de qualité équivalente et, dans chaque triade, entre ses trois ordres, de même qu'ils le sont entre les trois divisions de chaque intelligence ; le baptême constitue le «   sacrement » de lumière (ϕώτισμα, ϕωτισμός) ou de la « naissance divine » (θει̃α γέννησις) qui introduit les néophytes dans le « peuple saint » des « illuminés » (ἱερὸς λαός, ϕωτιζόμενοι) ; les « sacrements » de l'union, de l'huile sainte et, plus encore, des consécrations épiscopales et monacales confèrent la perfection de l'unité.

Cette divinisation par l'action « sacramentelle » est inséparable d'un progrès dans la connaissance, qui est elle-même divinisatrice et doit s'achever dans l'« inconnaissance » de l'extase dont la théologie mystique rappelle avec une énergique et dense brièveté les conditions négatives. Cette démarche de négativité constitue, en effet, la règle universelle de l'accès à Dieu que rappellent et décrivent, d'autre part, les Noms divins, la Hiérarchie céleste et la Hiérarchie ecclésiastique.

Dans l'ordre des symboles, l'intelligence doit interpréter, corriger, redresser, « réduire » les images, formes et schèmes dans lesquels sont représentées des réalités qui leur échappent. Et, à ce propos, Denys développe la théorie d'un double symbolisme, ressemblant et dissemblable : le premier est mieux adapté à l'éducation des simples ou des commençants, au lieu que le second, par son refus implicite des formes, oriente plus directement dans le sens de la négativité et s'avère « plus anagogique ». Dans l'ordre des concepts ou des « noms » intelligibles de Dieu et des réalités divines, nous savons déjà que la préférence est donnée à la théologie négative(rapprochée du symbolisme dissemblable), dont la démarche est ascendante et qui progresse dans le sens de la contraction, de la raréfaction et, au terme, de la suppression du langage, ce qui doit permettre à l'intelligence l'union la plus étroite avec l'« Ineffable ». Mais cette dialectique apophatique ne peut pas s'entendre, malgré les termes qui la décrivent, en un sens privatif. Elle est réellement négation de négations et de déterminations, ou, en renversant la formule, suraffirmation d'une transcendance unique que rien ne saurait définir. Le terme d'une telle démarche négative (qui élimine toute représentation partielle et tout faux absolu) est l'union à Dieu par l'extase, qui s'accomplit au-delà de l'intelligence et de ses activités ordinaires. En rigueur de termes, on n'en peut rien dire, mais seulement l'évoquer par un vocabulaire négatif : silence, « ligature » de la parole et de la vue, « inconnaissance ».

— René ROQUES

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), honorary member of the Royal Irish Academy, Dublin
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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