SOLOMOS DENYS (1798-1857)
Coryphée parmi les poètes de la Grèce moderne, Solomos demeure, par la haute tâche qu'il s'est assignée, un exemple de conscience artistique inégalé. Il entreprit de concilier le romantisme et le classicisme dans « un genre mixte, mais légitime ». Poète européen, il sut lier, dans une grande synthèse, la culture italienne, les « lumières » françaises et l'idéalisme allemand à la tradition et à la langue populaires grecques. Bien que, visant si haut, il n'ait laissé qu'une œuvre fragmentaire, sa présence n'en fut pas moins féconde : la poésie, la langue et la pensée néo-helléniques lui doivent beaucoup.
Années d'euphorie à Zante
Né à Zante, Denys Solomos était fils d'un comte âgé, Nicolas, et d'une jeune fille du peuple, Angélique Niklis, servante de la maison. Son père, mort en 1807, assura au poète une existence noble et, du point de vue matériel, insoucieuse ; la mère, illettrée, lui apprit, dès le berceau, le grec populaire.
Comme tous les enfants de sa classe (la noblesse des îles Ioniennes ne parlait que l'italien), Denys fit ses études en Italie (1808-1818). Après le lycée de Crémone, il se trouve à l'Université de Pavie, étudiant en droit. À Milan, il rencontre Vincenzo Monti. C'est le moment de l'éclosion du romantisme italien : en 1815 paraissaient les Hymnes sacrés de Manzoni. Lorsque, à vingt ans, Solomos rentre à Zante, nourri de littérature, il a déjà dans ses bagages quelques manuscrits de poèmes – naturellement en italien. Le grec de sa mère semble complètement enfoui au fond de sa conscience. Solomos ne tarda pas à le retrouver. Étranger, par sa formation, à la tradition lettrée hellénique, il s'orienta en effet vers les sources vivantes (chanson populaire, littérature crétoise, poètes vulgaristes). Un cercle d'amis zantiotes lui fut d'un grand secours. Selon la légende, c'est S. Tricoupis, un homme politique, qui, durant un séjour à Zante à la fin de 1822, le décida à se consacrer définitivement à la littérature grecque. Mais Solomos avait déjà commencé à écrire en grec quelques petites poésies.
La révolution, déclenchée entre-temps (1821), lui avait montré sa mission. Emporté par l'enthousiasme, après les premières victoires contre les Turcs, il composa en un mois l'Hymne à la Liberté (mai 1823), poème épicolyrique de cent cinquante-huit strophes. Le succès fut foudroyant. Publié deux ans plus tard à Missolonghi et traduit dans plusieurs langues européennes, ce poème, devenu aujourd'hui hymne national, consacra définitivement son auteur. Celui-ci traverse alors une période d'euphorie créatrice. Inspiré par l'actualité, il compose, entre autres, le long poème Sur la mort de lord Byron (1824), l'épigramme sur la destruction de Psara (1825), L'Empoisonnée (1826), une satire, Le Rêve (1826-1827). Ses écrits en prose datent aussi de la période de Zante. Dans son Dialogue (1823-1825) il fustige le pédantisme savant et prend la défense de la langue populaire. La Femme de Zante (1826-1829), satire inachevée, publiée pour la première fois en 1927, dote sans doute la prose néo-hellénique d'un chef-d'œuvre.
Solomos avait déjà eu, en 1823, l'idée de Lambros, poème byronien, sur lequel il travaillait en 1826 ; la même année, la chute de Missolonghi lui inspira le projet des Libres Assiégés, l'œuvre de sa vie. À Zante, il était très dispersé ; il avait besoin de solitude pour mener à bien ses grandes compositions. Aussi, en 1828, au moment où la révolution grecque se terminait, il passa à Corfou et s'y fixa jusqu'à sa mort.
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Écrit par
- Panayotis MOULLAS : professeur de littérature néo-hellénique à l'université de Salonique
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Autres références
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GRÈCE - Langue et littérature
- Écrit par Christophe CHICLET , André MIRAMBEL et Panayotis MOULLAS
- 7 317 mots
Juste après le déclenchement de la révolution, l'apparition du poète zantiote Denys Solomos (1798-1857) devait conduire à une synthèse riche d'avenir ; la culture italienne, le romantisme, les idées des Lumières, la littérature crétoise et la chanson populaire, l'idéalisme allemand même en sont les...