DÉRIVE DES CONTINENTS
La renaissance d'une théorie mobiliste
D'une façon générale, la tentative de Wegener pour changer les bases des sciences de la Terre a échoué parce qu'on ne possédait pas alors de données suffisantes sur les fonds océaniques et l'intérieur du globe terrestre, parce que Wegener avait choisi un schéma inexact et parce que les indications qu'il donnait sur les déplacements continentaux étaient imprécises. En 1956, des découvertes de plusieurs ordres vinrent modifier cette situation. Elles portaient essentiellement sur le paléomagnétisme, l'expansion et l'âge récent des fonds océaniques et la sismologie.
Paléomagnétisme et expansion océanique
Dès le début du xxe siècle, on avait montré que certaines roches, notamment les basaltes et les grès rouges, conservaient la trace du champ magnétique régnant au moment de leur genèse. Les travaux se développèrent peu à peu et se perfectionnèrent jusqu'en 1956, époque à laquelle plusieurs auteurs purent affirmer, indépendamment les uns des autres, que les données paléomagnétiques en provenance de divers continents montraient de façon formelle les déplacements relatifs de ces derniers.
En 1928, Arthur Holmes avait avancé l'hypothèse de l'expansion océanique, mais il fallut une trentaine d'années pour que celle-ci soit définie avec précision, lorsque William Maurice Ewing et Bruce C. Heezen établirent la continuité du système médio-océanique, montrant que la plus grande « chaîne de montagnes » du monde s'étend sur toute la longueur de l'océan Atlantique, à travers l'océan Indien, et du sud de la Nouvelle-Zélande au golfe de Californie. En 1962, Harry H. Hess a exposé en détail le mécanisme de l'expansion, maintenant largement accepté. Selon cet auteur, une montée magmatique du manteau et un système de courants sous-crustaux écartent sans relâche les fonds marins de chaque côté des dorsales médio-océaniques ; le long de celles-ci s'épanchent de nouveaux matériaux, tandis que d'autres parties de la lithosphère sont, au contraire, réabsorbées, au même rythme, dans les fosses océaniques et les jeunes chaînes de montagnes. Ces idées s'accordent avec le fait que la croûte continentale, constituée de silicates légers et épaisse d'environ 30 kilomètres, flotte sur le manteau comme une écume. La croûte océanique, plus mince, ne représente que le manteau supérieur sensiblement modifié et peut donc être facilement réengloutie. En revanche, il est difficile de faire passer un continent sous un autre, et la collision des continents stoppe leur progression.
En 1963, Frederick J. Vine et Drummond H. Mattews et, d'un autre côté, Lawrence W. Morley et A. Larochelle ont mis au point une méthode très précise de repérage et de datation des mouvements crustaux. Ces auteurs ont utilisé le fait que les inversions du champ magnétique terrestre se sont inscrites dans le fond des océans, à mesure de son déploiement, comme sur une bande magnétique. C'est à Bernard Bruhnes que l'on doit d'avoir découvert le principe de cette horloge naturelle. Il établissait, dès 1906, que le champ magnétique terrestre s'inversait, à quelques centaines de milliers d'années d'intervalle, en disparaissant puis en réapparaissant avec les pôles magnétiques Nord et Sud inversés. Cette échelle chronologique a été étalonnée avec précision pour plusieurs millions d'années par Allan Cox, Richard R. Doell et G. Brent Dalrymple, et par Ian McDougall et F. H. Chamalaun, qui ont mesuré l'âge et l'aimantation de nombreuses laves continentales récentes. Vine et James R. Heirtzler ont montré qu'une grande partie des fonds marins est zébrée de zones d' anomalie magnétique parallèles à l'axe des dorsales et que la largeur des bandes successives est proportionnelle à la durée des périodes paléomagnétiques déterminées à partir des laves. Cela s'explique[...]
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Écrit par
- John Tuzo WILSON : professeur à l'université de Toronto, Canada
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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