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PÔLES DÉRIVE DES

L'accélération brutale du pôle Nord magnétique

Depuis sa première localisation par Ross, le pôle Nord magnétique dérive dans la direction nord - nord-ouest, c'est-à-dire vers la Sibérie. Mais, alors que sa vitesse était restée inférieure à 15 km/an pendant près de 160 ans, celle-ci a soudainement augmenté vers 1990 pour atteindre près de 60 km/an au début des années 2000 et se stabiliser aujourd'hui vers 55 km/an. Aucun phénomène de ce type n'a jusqu'ici été observé au pôle Sud.

Pourquoi le pôle Nord magnétique a-t-il accéléré au cours des années 1990 ? La vitesse du pôle est déterminée par deux facteurs : le gradient local et le taux de variation séculaire du champ horizontal au niveau du pôle. À taux de variation du champ égal, le pôle se déplace plus vite dans une zone de gradient faible que dans une zone de gradient élevé, comme un marcheur dont le taux de montée serait constant se déplacerait plus vite sur un chemin presque plat que sur un chemin pentu. Ainsi, si le gradient décroît, ou si le taux de variation augmente, le pôle accélère dans son déplacement. Il a été démontré que l'essentiel (75 p. 100) de l'accélération observée dans les années 1990 provient d'une augmentation concomitante et tout aussi brutale de la variation séculaire du champ horizontal dans l'Arctique canadien. Autrement dit, le pôle se trouvait au bon endroit au bon moment.

Pour comprendre l'origine de l'augmentation de variation séculaire responsable de l'accélération de déplacement du pôle Nord magnétique, il est nécessaire d'observer le champ directement à la surface du noyau. Pour cela, on calcule un modèle empirique de champ en harmoniques sphériques à partir des observations faites au voisinage de la surface de la Terre (au sol et par les satellites), que l'on peut ensuite prolonger jusqu'à la surface du noyau en supposant le manteau peu conducteur. Ce type de modèle a permis de mettre en évidence l'existence d'une zone située sous les îles russes de Nouvelle-Sibérie où le champ magnétique est expulsé du noyau, se traduisant à la surface de la Terre (donc 2 900 km plus haut) par une augmentation de la variation séculaire du champ horizontal dans la zone canadienne.

Afin de comprendre ce qui se passe à l'intérieur du noyau, il est nécessaire de faire appel à des simulations numériques de la géodynamo. De récentes simulations prédisent l'existence de panaches de fluide léger remontant dans un mouvement hélicoïdal depuis la base du noyau jusqu'à sa surface, notamment dans ses régions polaires, et produisant des expulsions de flux similaires à celle qui a été observée dans les années 1990. De tels panaches ont aussi été observés dans des expériences en eau (donc sans champ magnétique), en présence d'une rotation rapide analogue à celle de la Terre. Ces résultats théoriques ont conduit à l'hypothèse selon laquelle l'accélération brutale du pôle dans les années 1990 serait due à l'arrivée à la surface du noyau d'un panache de fluide léger ayant pris naissance au sommet de la graine. Des investigations supplémentaires sont cependant nécessaires pour vérifier cette hypothèse.

— Arnaud CHULLIAT

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Écrit par

  • : physicien à l'Institut de physique du globe de Paris et à l'université du Colorado, Boulder, États-Unis

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