DÉRIVÉES PARTIELLES (ÉQUATIONS AUX) Équations non linéaires
L'équation de Korteweg et de Vries
En 1865, Scott Russell observa sur un canal rectiligne une onde de surface créée par le choc de deux péniches, qu'il appela onde solitaire ; il fut frappé par la stabilité du phénomène et raconte qu'il put la suivre à cheval, à vitesse constante, pendant plusieurs kilomètres.
Pour expliquer ce phénomène, dit de soliton, on peut utiliser un système de deux équations à une dimension d'espace :
dans lesquelles h désigne la hauteur de l'eau et u la vitesse du fluide, dans un canal supposé indéfiniment long et peu profond ; g est une constante qui représente la gravité. Le système (1), (2) est un système hyperbolique non linéaire, du type évoqué dans le chapitre 2, et il s'obtient en écrivant les équations classiques des fluides incompressibles et en introduisant un paramètre petit lié à la profondeur du canal.En effectuant un nouveau développement asymptotique, lié à l'amplitude de l'onde, Korteweg et de Vries obtinrent en 1895 l'équation :
où α et β désignent des constantes. Par un changement de variables et d'inconnues, on peut écrire l'équation sous la forme :Korteweg et de Vries observèrent que cette équation admet des solutions « ondes solitaires » de la forme :
ce sont des ondes qui se propagent avec la vitesse c sans se déformer. Cette situation est fondamentalement différente de celle qui peut se produire dans un modèle linéaire. Les équations linéaires dont les solutions se propagent sont les équations hyperboliques ; les vitesses de propagation sont imposées par l'équation, et la forme de la solution qui se propage est indépendante de la vitesse. Dans cet exemple non linéaire, on peut avoir des ondes qui se propagent avec n'importe quelle vitesse positive, mais leur forme est imposée par la vitesse selon la formule (4). En particulier, plus la vitesse est grande, plus la solution est grande.Intuitivement, on peut expliquer cette conservation de la forme par la compétition de deux phénomènes, en disant que l'équation (3) est un « mélange » des équations :
En multipliant (5) par u et en intégrant de − ∞ à + ∞, on observe que l'expression :
reste constante, autrement dit la solution ne tend pas vers 0 dans l'espace L2(R) ; mais on remarque, en utilisant par exemple la transformation de Fourier, que, pour x fixé (et pour une donnée initiale assez régulière), u(x, t) tend vers 0 comme t−3/2 pour t tendant vers l'infini. L'équation (5) décrit une onde qui se disperse, tandis que l'équation (6) est l'équation de Burger, étudiée au chapitre 1, qui engendre un choc.En fait, l'équation de Korteweg-de Vries possède des solitons car les phénomènes de création de chocs et de dispersion se compensent pour arriver à un état d'équilibre. En 1965, Kruskal, Miura et Zabusky remarquèrent une analogie entre le système (1) et le modèle de Fermi-Pasta-Ulam. Ce modèle avait été introduit en 1950 pour décrire la répartition de l'énergie sur un cristal non conducteur ; il était composé de 32 équations différentielles ordinaires non linéaires couplées et a été calculé par approximation numérique sur l'ordinateur Maniac I de Los Angeles. Les auteurs observèrent, au lieu d'une répartition uniforme de l'énergie sur tout le cristal, des phénomènes de périodicité ou de presque périodicité. Ces phénomènes furent expliqués beaucoup plus tard par Arnold, Moser et Kolmogorov dans le cadre de la théorie des systèmes hamiltoniens. Kruskal et d'autres entreprirent alors de discrétiser l'équation de Korteweg-de Vries et découvrirent deux types de phénomènes. a) Dans le cas où on considère des données initiales ϕ(x) périodiques en espace, la solution reste périodique en espace mais est une fonction presque périodique en temps. b) Dans[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claude BARDOS : mathématicien, professeur à l'université de Paris-Nord
Classification
Médias
Autres références
-
ANALYSE MATHÉMATIQUE
- Écrit par Jean DIEUDONNÉ
- 8 528 mots
...problèmes de mécanique, d'astronomie ou de physique. Au cours du xviiie siècle, les développements des applications des mathématiques à la physique avaient introduit des équations auxdérivées partielles, qui apparaissent aussi par ailleurs dans les problèmes de la naissante théorie des surfaces. -
CAFFARELLI LUIS (1948- )
- Écrit par Bernard PIRE
- 1 254 mots
- 1 média
Le mathématicien argentino-américain Luis Caffarelli a reçu le prix Abel – l'équivalent du prix Nobel pour les mathématiques – en 2023, pour « ses contributions essentielles à la théorie des régularités des équations aux dérivées partielles non linéaires ».
-
CALCUL INFINITÉSIMAL - Histoire
- Écrit par René TATON
- 11 465 mots
- 3 médias
En 1747, à l'occasion d'une étude sur le problème des vents, d'Alembert introduisit et étudia des équations d'un type nouveau, les équations aux dérivées partielles, faisant intervenir simultanément les dérivées partielles d'une même fonction par rapport à différentes variables. Le fait que la plupart... -
CAUCHY AUGUSTIN-LOUIS (1789-1857)
- Écrit par Jean DIEUDONNÉ
- 1 402 mots
- 1 média
...pures et appliquées. Si son œuvre en astronomie et en optique est secondaire, il est un des fondateurs de la théorie mathématique de l'élasticité. En analyse, il introduit la notion fondamentale de caractéristique dans la théorie des équations aux dérivées partielles du premier ordre, et il avait... - Afficher les 34 références