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DERNIERS VERS, Arthur Rimbaud Fiche de lecture

Vraisemblablement composés, pour la plupart, entre février-mars et juillet 1872, les Derniers Vers ne constituent pas un recueil élaboré par Arthur Rimbaud (1854-1891). Dans  « Alchimie du verbe » (Une saison en enfer, 1873) le poète cite certains d'entre eux, remettant à distance « l'histoire d'une de [s]es folies » :« Je disais adieu au monde dans d'espèces de romances… » Aux antipodes des poèmes du Parnasse, ces « vers nouveaux » marquent un moment de rupture dans l’œuvre de Rimbaud.

Ces dix-neuf pièces furent d'abord manuscrites sur des feuillets que le poète de dix-sept ans donnait à ses amis – Jean-Louis Forain, Jean Richepin ou Paul Verlaine. Ces poèmes furent publiés, en partie, par Félix Fénéon, avec la plupart des Illuminations, dans la revue symboliste La Vogue en mai et juin 1886. Ils furent repris chez l'éditeur Vanier en 1892, puis en 1895, sous le titre Illuminations. Une saison en enfer. En 1912, dans son édition des Œuvres: vers et proses, poèmes retrouvés préfacée par Paul Claudel au Mercure de France, Paterne Berrichon décida de séparer cette suite du reste des Illuminations et de l'intituler« Vers nouveaux et chansons ».De ces pièces diverses, les éditeurs modernes firent alors un ensemble à part, souvent présenté sous deux titres, selon le point de vue chronologique ou littéraire : Derniers Vers ou Vers nouveaux (et parfois, et chansons).

« J’ai fait la magique étude. Du bonheur, que nul n’élude »

Ces dix-neuf poèmes à caractère autobiographique (dont sept datés de mai 1872, deux de juin et un autre de juillet) sont inspirés par les lieux que le jeune homme fréquenta de février à juillet 1872 (Paris, Charleville et Bruxelles) ainsi que par sa vie auprès ou loin de Paul Verlaine. Depuis le 10 septembre 1871, le fugueur de Charleville a rejoint Verlaine. Leur comportement provoque le scandale, dans le Paris de la récente IIIe République. La violence et l'alcoolisme de Verlaine, sa liaison avec Rimbaud entraînent le départ de Mathilde Mauté, son épouse, à la mi-janvier 1872. À la fin de février ou au début de mars 1872, Verlaine demande à son ami de quitter Paris afin que le « jeune ménage » puisse reprendre une vie commune. Furieux de cette trahison, et déçu par le milieu littéraire parisien, « l'époux infernal » retourne chez sa mère à Charleville : il boit, vagabonde et lit beaucoup ; il s'enchante des livrets de Favart (1710-1792) et travaille à l’ensemble qu’il souhaite titrer Études néantes.

Ces pièces variées ont probablement été conçues lors de marches de Rimbaud sur les routes de campagne, au bord de « La Rivière de Cassis » (la Semoy rouge du sang de la guerre de 1870 ?), aux environs de Charleville. Quelques autres ont pu être écrites à Paris au début de mai : les quatre poèmes qui composent les « Fêtes de la patience » (« Bannières de mai », « Chanson de la plus haute tour », « L’Éternité », datés de mai 1872, et « Âge d’or », daté de juin 1872) semblent ironiser sur les difficiles retrouvailles avec Verlaine. La pièce intitulée « Bruxelles » et datée de « juillet » fut sans doute composée après la fuite des deux poètes en Belgique. Ces « espèces de romances » chantent, entre désespérance et joie gaillarde, des amours maudites : « Ô vive lui, chaque fois/ Que chante son coq gaulois ». Elles sont à la fois un aveu d'échec (« J'ai perdu ma vie ») et un adieu aux ambitions littéraires parisiennes ; loin de ce « monde vicieux », « l'enfant gêneur » trouve l'apaisement dans la nature, s'abandonnant à un fatalisme désenchanté : « À toi, Nature, je me rends/ […]/ Et libre soit cette infortune. »

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Écrit par

  • : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain

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Autres références

  • RIMBAUD ARTHUR (1854-1891)

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    La publication desVers nouveaux et chansons, appelés parfois Derniers Vers, relève d'une histoire autrement plus complexe. La plupart, datés par Rimbaud de mai, juin, juillet 1872, furent d'abord publiés en 1886 avec les Illuminations, un peu comme s'il s'agissait d'un sous-genre en vers...