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DES ARBRES À ABATTRE (mise en scène K. Lupa)

Au cœur de sa création théâtrale, amorcée à la fin des années 1970, Krystian Lupa, metteur en scène, plasticien et pédagogue polonais, entretient une relation avec l’auteur et dramaturge autrichien Thomas Bernhard (1931-1989), en qui il reconnaît depuis longtemps « un frère d’armes ». Une rencontre qui a commencé en 1992 au Stary Teatr de Cracovie avec une adaptation du roman La Plâtrière, et qui s’est poursuivie au cours des années suivantes avec Emmanuel Kant, Déjeuner chez Wittgenstein, Extinction, Perturbation, Place des Héros, et une première création, Des arbres à abattre, issue du roman, le 10 janvier 2014, au Schauspielhaus de Graz (Autriche), en langue polonaise sous le titre WycinkaHolzfällen. Avec une nouvelle distribution, cette création a poursuivi sa carrière en France, d’abord au festival d’Avignon 2015, puis à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, dans le cadre du festival d’Automne 2016, dans une version légèrement modifiée. Deux autres spectacles de Lupa sont présentés à cette occasion : Place des Héros (Théâtre de la Colline) et Déjeuner chez Wittgenstein (Les Abbesses-Théâtre de la Ville).

Un jeu de massacre

Publié en 1984 et traduit en français en 1998 par Bernard Kreiss, Des arbres à abattre fit scandale et fut momentanément interdit en Autriche à la suite d’une plainte en diffamation déposée par le compositeur Gerhard Lampersberg, qui s’était reconnu dans l’un des personnages. Thomas Bernhard poursuit ici ses règlements de comptes avec la société autrichienne et plus largement avec l’Europe tout entière, entre rejet et nécessités sociales, à travers l’évocation acide d’un microcosme artistique et culturel issu de ses expériences autobiographiques.

Lors des obsèques d’une amie commune, Joana Thul, jeune artiste intègre et alcoolique acculée au suicide par l’indifférence de ses pairs, l’auteur et narrateur croise de vieilles connaissances, les époux Auersberger, musiciens parvenus et appréciés de l’intelligentsia décadente en place, qui le convient à « un dîner artistique ». Le soir venu, ce trio est accompagné de deux femmes, qui s’identifient respectivement à Virginia Woolf et Gertrude Stein, et de deux jeunes écrivains, rejoints un peu plus tard par un comédien très attendu du Burgtheater de Vienne, à l’ego surdimensionné depuis qu’il a connu le succès dans Le Canard sauvage d’Ibsen. Regrettant amèrement sa présence à ce dîner, le narrateur observe à distance, assis dans un « fauteuil à oreilles », commente, analyse les situations et propos, sans dissimuler « une irritation » (le sous-titre du roman) plus que palpable, teintée d’un humour dévastateur, face aux niaiseries philosophiques, hypocrisies, échecs, ambitions pitoyables et compromissions affichés par les différents convives.

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