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DES DÉLITS ET DES PEINES (DEI DELITTI E DELLE PENE), Cesare Bonesana de Beccaria Fiche de lecture

D'abord publié anonymement en l'été 1764 à Livourne, Des délits et des peines (Dei delitti e delle pene) est le fait du jeune marquis de vingt-six ans qui, membre du cercle philosophique milanais Il Caffè, s'était auparavant consacré à des écrits d'économie politique. Paru en pleine actualité judiciaire française (l'affaire Calas en 1762 et celle du chevalier de la Barre en 1765), son traité, qui devait lui valoir la création d'une chaire universitaire, participe du vaste mouvement de refonte de la pensée pénale que connaît l'Europe des Lumières indignée par la violence et l'arbitraire des pratiques et procédures de l'Ancien Régime. Sur l'objectif d'humaniser et de séculariser le droit de punir, cet opuscule s'oppose à la tradition du jus romanum et du droit canonique qui alimentaient le droit positif de l'époque, et conjugue les influences de Montesquieu (légalité des peines), de l'égalitarisme de Rousseau, de l'empirisme de Hume et de l'utilitarisme d'Helvétius.

Pour des peines humaines et socialement utiles

De facture minimaliste, ce livre de moins de deux cents pages contient un Avis au lecteur et une introduction pour ensuite se diviser, selon les éditions, en 42 ou 47 paragraphes qui mêlent, sans qu'il soit véritablement possible d'en dégager une progression organisée, la question des délits et des peines à des réflexions générales, des points de procédures et des considérations concernant la philosophie juridique.

Fondant le droit de punir sur un contrat social fixé par des lois que les peines garantiront (paragr. 1), Beccaria définit la nature et la mesure de ces dernières en fonction de leur utilité sociale (paragr. 2) : seul « le dommage causé à la société » inspirera la classification des délits (paragr. 8 et 24). Ainsi soumise à la Raison, la pénalité s'extrait autant des catégories du religieux et de la morale que des privilèges du pouvoir souverain, pour n'exprimer que l'étendue exacte et les limites précises de la liberté de chacun. Aussi le principe de légalité des peines s'impose-t-il, avec des lois claires et écrites par le législateur (paragr. 3 et 5), en évitant alors au juge, tenu, non pas de les interpréter, mais de les appliquer (paragr. 4) selon la règle de « proportionnalité entre les délits et les peines » (paragr. 7 et 23), d'en suivre seulement et obscurément « l'esprit ». Ces conditions assurent de rendre des peines publiques, modérées, certaines et promptes (paragr. 27 et 47), mais aussi égales pour tous (paragr. 20 et 41). Les travaux à perpétuité sont préférés à la peine de mort que Beccaria condamne au nom de son inutilité sociale, de la nullité de sa menace et de sa pratique effective sur les desseins criminels (paragr. 28).

À ce noyau dur s'ajoute toute une série de paragraphes qui viennent compléter ou élargir les thèses précédentes : ainsi peut-on citer, entre autres, les analyses critiques de la notion d'honneur (paragr. 9), de la pratique des duels (paragr. 10) et de celle de la torture (paragr. 16), de l'encouragement à la trahison (paragr. 36) et de la coutume de la dénonciation (paragr. 15) ; ou, au niveau des modalités mêmes d'exercice de la justice, les développements sur la durée des procès (paragr. 30), sur les délits difficiles à prouver (paragr. 31), sur la place des témoignages (paragr. 13), sur le problème des tentatives et de la prévention (paragr. 41), de la complicité et de la promesse d'impunité (paragr. 37)... Par ailleurs, Beccaria émaille son texte de prises de position sur des sujets connexes : il voit dans l'éducation et la connaissance les moyens les plus sûrs de lutte contre le crime (paragr. 42 et 45), estime non nécessaire le recours à la grâce (paragr. 46) et plaide, au nom de la distinction à faire entre péché et [...]

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

Classification

Autres références

  • BECCARIA CESARE BONESANA DE (1738-1794)

    • Écrit par
    • 1 445 mots

    Cesare Bonesana, marquis de Beccaria, né à Milan et mort dans cette même ville, est l'auteur d'un livre publié à Livourne en 1764 sous le titre Dei delitti et delle pene (Des délits et des peines), dont le succès secoua l'Europe et déclencha une réforme profonde des institutions répressives....

  • INTERPRÉTATION (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 579 mots
    ... pour les magistrats de ne pas s’en tenir à la lettre de la loi, Beccaria met en évidence les dangers de cette attitude. Il note, dans son ouvrage Des délits et des peines (1764), que « rien n’est plus dangereux que l’axiome commun selon lequel il faut consulter l’esprit de la loi [...] On verrait...