DÉSARMEMENT
Le terme « désarmement » possède des résonances bien différentes selon l'oreille qu'on lui prête. Pour un esprit idéaliste, il évoque ce thème simple et vigoureux suivant lequel l'élimination des armes et des armées permanentes entraînera la fin des guerres, générera l'amitié entre les peuples et le développement pour tous. Pour un esprit plus cynique ou plus averti, il renvoie à la politique des États, à leurs préoccupations stratégiques, à leurs manœuvres diplomatiques. Il présente dès lors une signification beaucoup plus complexe, ne serait-ce que parce qu'il comporte une histoire, et, sinon une pratique réelle, du moins une succession d'efforts et de tentatives inégalement aboutis. Il est au surplus parfois difficile de démêler la part de propagande et donc de mensonge qu'il contient.
La définition même du désarmement est moins simple qu'il n'y paraît. Dans une acception étroite, qui serait la plus rigoureuse, il vise les mesures tendant à restreindre volontairement, voire à éliminer totalement, les armements et les forces armées existants, dans le but de prévenir les conflits. Dans une acception plus large, et plus généralement reçue, il comprend également l'ensemble des méthodes et moyens permettant d'empêcher ou de limiter la fabrication ou l'emploi d'armes, ainsi que la constitution ou le développement de forces armées. On pourra alors parler de limitation des armements, et la pratique associe souvent les deux termes.
Le désarmement met en cause des considérations de nature diverse et virtuellement contradictoires. On en prendra quelques exemples. Des exigences morales : le « désarmement général et complet » est l'aspiration traditionnelle du pacifisme humanitaire. De façon plus limitée, l'interdiction de certaines armes ou de certains procédés de combat est une exigence constante des combattants eux-mêmes, attachés à des formes classiques ou « honorables » de guerre (de la condamnation des armes à feu à la prohibition des gaz de combat). On vise dans le premier cas à rendre les conflits impossibles, dans le second cas à les régulariser, à les maintenir dans un certain cadre, et l'équivoque des objectifs comme des méthodes apparaît clairement. Un impératif de sécurité : cet impératif est primordial pour les États. Ils peuvent concevoir la sécurité de façon purement individuelle, ou considérer qu'elle est liée à celle des autres. Le désarmement doit alors être apprécié en tant qu'élément de la sécurité, individuelle ou commune, des États, et analysé dans le cadre des systèmes de sécurité que pratique la société internationale – ainsi l'équilibre, la sécurité collective, la dissuasion nucléaire. Un souci d'indépendance : les États ne vont-ils pas, dans un même mouvement, exiger et refuser les mesures de contrôle d'un désarmement effectif, qui conditionne son efficacité mais les atteint dans un des éléments fondamentaux de leur souveraineté, la défense nationale ? Une volonté d'égalité : les armements sont un facteur de l'équilibre entre les puissances, que leur disparition générale ne pourrait que remettre en cause. Faut-il le conserver par une réduction proportionnelle ou l'adapter par une progressivité des sacrifices ? Des préoccupations d'intérêt, qui se sont développées avec l'expansion considérable des industries d'armement. Sur le plan interne, les dépenses publiques pourraient s'orienter vers des activités plus rentables ou plus judicieuses, mais la production militaire est également source d'emplois et d'exportations. Sur le plan international, il est tentant de lier une diminution des budgets militaires et une assistance accrue au développement.
Ainsi, les négociations anciennes et diverses sur ces problèmes impliquent un[...]
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Écrit par
- Jean François GUILHAUDIS : professeur à l'université Pierre-Mendès-France, Grenoble
- Serge SUR : professeur de droit public à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas
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Médias
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