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DESIGN

Cet article défend l'hypothèse selon laquelle les termes « design », « art décoratif », « création industrielle » et « métiers d'art » nomment non pas des secteurs différents, mais le même, à savoir celui des objets utilitaires – secteur organisé, classé, délimité différemment selon qu'on l'examine du point de vue de la conception, de la fonction, de la fabrication ou du métier. Il se propose non pas de retracer une histoire des mouvements, des écoles, des œuvres habituellement réunis sous le terme design, mais de tenter une définition du design inscrite dans cette terminologie, qui renvoie elle-même à une taxinomie des objets de la production industrielle.

Quelle place pour le design ?

La sédimentation des vocables design, art décoratif, création industrielle et métiers d'art dans leur usage contemporain ne peut manquer de poser question. Pourquoi ces termes n'ont-ils pas permis, par exemple, de constituer des ensembles de collection distincts entre le musée des Arts décoratifs de Paris, le Centre de création industrielle du Centre Georges-Pompidou et la section Art décoratif, création industrielle et métiers d'art du Fonds national d'art contemporain ? Pourquoi restent-ils en grande partie inopérants ?

Si l'on adopte un point de vue taxinomique, « art décoratif » distingue les objets utilitaires des objets d'art et permet d'identifier un champ typologique ; « métiers d'art » présente le point de vue des métiers ; « création industrielle » distingue la production industrielle de masse de la fabrication artisanale et se rattache à un mode de production ; « design » renvoie au designer, c'est-à-dire à un mode de conception. Chaque objet étant tout à la fois conçu, produit, et participant d'un champ typologique, on comprend que ces concepts n'aident pas à distinguer des secteurs, mais simplement des points de vue sur les objets.

Leur simultanéité dans l'usage contemporain ne doit pas nous faire oublier qu'ils sont apparus successivement dans le temps. Dans sa Chronologie du design, l'historien Stéphane Laurent date de 1870 l'arrivée du syntagme « art décoratif » ; « métier d'art », lui, apparaît dans les années 1940 ; « création industrielle » dans les années 1950, au moment de la reconstruction industrielle ; tandis que « design » entrait dans la langue française à la fin des années 1950 et « designer » à la fin des années 1960. Autrement dit, ces points de vue se sont d'abord succédé, chacun prétendant s'imposer à son tour comme unique, avant de cohabiter, jusqu'à se confondre.

Le design s'inscrit dans la terminologie qui lui préexiste : art décoratif, création industrielle et métiers d'art.

Art décoratif

L'appellation art décoratif revêt principalement deux sens qui semblent se contredire. Le premier renvoie à l'ornement, le second à un champ typologique : les objets utilitaires destinés à l'habitat sous toutes ses formes.

Le fameux essai Ornement et crime écrit par l'architecte autrichien Adolf Loos en 1908, véhiculé par l'aphorisme « l'ornement est un crime », ponctue l'histoire du design du xxe siècle, tout en trahissant en grande partie la complexité de la pensée de l'auteur lui-même. En effet, celui-ci ne condamne pas seulement l'ornement, mais principalement l'art – en tant qu'expression individuelle – dans la conception des objets utilitaires et de la maison. De même, il ne s'en prend pas tant à la tradition qu'à l'Art nouveau et à sa prétention à introduire l'art dans tous les recoins de la vie quotidienne.

D'un point de vue taxinomique, l'idée de distinguer les objets porteurs d'ornement de ceux qui ne le seraient pas est parfaitement illusoire. Comme l'architecte designer[...]

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Écrit par

  • : experte en design à la direction générale de la création artistique, ministère de la Culture et de la Communication, service d'inspection de la création artistique

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Média

Chaises, M. Breuer, Bauhaus - crédits : AKG-images

Chaises, M. Breuer, Bauhaus

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