DESIGN
Survol historique
Le survol de l'histoire du design laisse percevoir l'extraordinaire hétérogénéité des mouvements, écoles, œuvres, créateurs généralement réunis sous cet intitulé. Les partisans de l'artisanat contre les méfaits de la massification industrielle et sa production de « pacotille » (Arts & Crafts, Wiener Werkstätte, par exemple) s'y confrontent à ceux de l'industrie et de la mécanisation (Le Corbusier, École d'Ulm, Deutsche Werkstätten) ; les partisans de l'art dans les objets de la vie quotidienne (Art nouveau, De Stijl, le Bauhaus dirigé par Walter Gropius) côtoient ceux de la synthèse des arts (UAM, Deutscher Werkbund), mais aussi des opposants farouches à l'art dans les objets de la vie quotidienne (Adolf Loos, le Bauhaus dirigé par Hannes Meyer, École d'Ulm) ; des partisans de l'ésotérisme (le Bauhaus de Joannes Itten et des théosophes) cotoient ceux de la science et de ses règles (École d'Ulm) ; les partisans d'un projet social par les objets ordinaires destinés aux gens ordinaires (Arts & Crafts, Bauhaus, Francis Jourdain) côtoient ceux de l'élitisme affiché (Art nouveau, Art déco, Wiener Werkstätte) ; les partisans de la standardisation (Muthesius, Berhens, Gropius, Ulm) voisinent avec ceux de l'expression individuelle singulière (Art nouveau, Gaudí, Van de Velde, Hector Guimard) ; etc.
Autrement dit, il ressort de l'histoire du design qu'il est le lieu d'expression privilégié de ce qui fait débat et même conflit. Le design sert à penser la production industrielle et ses conséquences sur les autres modes de production. C'est son dilemme que d'être le plus souvent décalé au regard de la production industrielle de son époque tout en voulant et en devant s'y inscrire. Ce décalage n'est pas seulement d'anticipation comme on voudrait le croire, il peut être aussi de résistance au progrès industriel (Arts & Crafts, une partie du design italien des années 1980). Il peut marquer un recul réflexif, analytique, théorique. De plus, la distinction entre design et production industrielle est relative selon les cultures. Le terme design tel qu'il est utilisé dans les pays anglo-saxons a tendance à s'appliquer à l'ensemble de la production industrielle. Cela ne la fait pas entrer pour autant dans l'histoire du design : là aussi, celle-ci ne retient que le good design, la gute Form, c'est-à-dire un point de vue restrictif, qui rejoint l'emploi caractéristique des pays latins.
Ainsi, il est intéressant de constater que le Harrap's distingue les deux sens anglo-saxons du mot design sans les croiser : l'usage courant qui renverrait à « dessein, intention » et l'usage professionnel qui renverrait à « dessin (d'ornement), modèle, plan ».
A contrario, le Robert historique de la langue française note à propos du design la double motivation « dessein » et « dessin ». S'il signale l'emprunt (1959) à l'anglais design, d'abord « plan d'un ouvrage d'art » (xviie siècle), employé aux États-Unis avec le sens de « conception décorative étendue aux objets utilitaires », il rappelle cependant que « l'origine du mot anglais est le français dessein (dessiner) qui signifiait à la fois dessin et but jusqu'au xviie siècle. » Et il conclut que « design » marque ainsi un avantage conceptuel sur l'allemand Gestaltung qui souligne seulement le « dessin » et sur l'italien progettazione qui indique uniquement le « dessein » ou projet.
Le design est un mode de conception, parmi d'autres, bien particulier. Le designer n'est pas l'ingénieur : il aurait du mal à se montrer plus performant que ce dernier sur le terrain de l'invention ou même simplement sur le plan technique.
Contrairement aux métiers d'art[...]
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Écrit par
- Christine COLIN : experte en design à la direction générale de la création artistique, ministère de la Culture et de la Communication, service d'inspection de la création artistique
Classification
Média
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