DESMARETS NICOLAS, seigneur de Maillebois (1648-1721)
Neveu et disciple de Colbert, Nicolas Desmarets eut à soutenir l'énorme effort de guerre de Louis XIV contre l'Europe coalisée, dans une période de marasme économique. Saint-Simon le juge « ingrat », « bourru », le traite de « vizir rogue », puis, admirant son attitude face aux difficultés, lui concède une « tête de fer ». Son père était trésorier de France, lui-même devient successivement conseiller au parlement, maître des requêtes, conseiller d'État, puis intendant des Finances, fonction qu'il doit abandonner brusquement à trente-cinq ans, après la mort de Colbert, du fait de l'offensive du clan Louvois qui exploite une sombre affaire de détournement de fonds. Cet exil ne peut être que provisoire. Les contrôleurs généraux Le Pelletier et Pontchartrain apprécient ses conseils ; Michel de Chamillart le fait revenir par la petite porte en le nommant directeur des Finances et lui abandonne les rênes du ministère. La guerre est alors financée par l'inflation fiduciaire constituée par la circulation d'une masse de billets de monnaie qui alarment l'opinion et, de ce fait, ne cessent de perdre de leur valeur. Rien ne réussit de ce qui aurait pu faire revenir la confiance, et Chamillart donne sa démission au roi, qui appelle Desmarets, ne lui cachant pas que la situation est désespérée (1708). Les revenus de quatre années étaient, en effet, entamés. Pratiquant la politique inverse de celle qu'il avait menée précédemment, Desmarets prend des mesures libérales qui lui permettent de retrouver la confiance des financiers, bonne méthode sur le plan psychologique puisque la valeur des billets augmente et que la monnaie circule. Il décide de reporter à l'année suivante les assignations qui viennent à échéance afin de donner du crédit à l'État. Les traitants prêtent alors au roi l'argent dont il a besoin. C'est l'époque où Louis XIV accorde l'honneur de sa promenade au financier protestant converti Samuel Bernard. Desmarets a fait verser un impôt forcé aux officiers sous forme d'augmentations de gages et émet de nouvelles rentes. Il règle ainsi la situation pour 1708 à la stupéfaction de l'Europe coalisée. L'année suivante est encore difficile. Samuel Bernard, acculé par ses créanciers, ne doit son salut qu'au contrôleur général. Le terrible hiver rend aléatoire la rentrée des impôts que les paysans affamés ne parviennent pas à payer. Desmarets est obligé d'acheter massivement du blé pour les besoins civils et militaires. Il profite de l'arrivée à Saint-Malo d'une grande quantité d'or et d'argent pour décider une mutation monétaire et une refonte des espèces. Les traitants prêtent généreusement en cette année 1709 où Turcaret triomphe au théâtre. Ils n'obtiennent cependant jamais la création d'une banque de France, mais le 1er janvier 1710 naît la Caisse de régie, ou « caisse Legendre », qui repose sur le crédit de douze receveurs généraux parmi les plus riches. Le 14 octobre, après bien des hésitations, un nouvel impôt est institué, le dixième, qui provoque la fureur des privilégiés, subit des accommodements divers, mais permet la liquidation des papiers de monnaie. Ces mesures permettent de durer jusqu'à la paix. Il suffit alors de réaliser une banqueroute partielle, au moment nécessaire, pour pallier les taux d'intérêts déraisonnables qui avaient été consentis pour parer rapidement aux difficultés. La paix revenue, Louis XIV mourut ; Desmarets fut remercié et remplacé par le duc de Noailles. Il écrivit néanmoins un mémoire au Régent pour se justifier.
Homme de la tempête, menant froidement une politique financière d'une habileté consommée, il fut mal compris. Prudent et lucide, agissant avec beaucoup de pragmatisme, c'était un financier qui connaissait bien le[...]
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Écrit par
- Myriam COHEN : auteur
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Autres références
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DIXIÈME & VINGTIÈME
- Écrit par Françoise MOYEN
- 176 mots
Créé par édit en 1710, le dixième, impôt qui connut des éclipses de 1717 à 1741, fut permanent à partir de cette date. Devenu le vingtième en 1749, doublé en 1756, il fut la plus remarquable et la plus significative des tentatives que fit la monarchie pour établir un impôt cédulaire sans exemption...