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DÉSOBÉISSANCE CIVILE

On parle de « désobéissance civile » lorsque des citoyens, mus par des motivations éthiques, transgressent délibérément, de manière publique, concertée et non violente, une loi en vigueur, pour exercer une pression visant à faire abroger ou amender ladite loi par le législateur (désobéissance civile directe) ou à faire changer une décision politique prise par le pouvoir exécutif (désobéissance civile indirecte).

Il convient tout d'abord d'examiner soigneusement le sens et la portée de chacun des éléments de cette définition, puis de rappeler brièvement l'histoire moderne de la notion et les débats théoriques qu'elle a suscités.

Analyse de la notion

La définition proposée – proche de celle que donne John Rawls dans Théorie de la justice (1971) – appelle quelques précisions.

La désobéissance est dite « civile », d'abord, parce qu'elle est le fait de « citoyens » : ce n'est pas une rupture de citoyenneté, ni un acte insurrectionnel. Il s'agit d'une manifestation de « civisme » au sens fort : volonté d'œuvrer pour l'intérêt général, même au prix de risques personnels. Le fait que la désobéissance civile soit nécessairement publique, et recherche même la médiatisation la plus forte (ce qui la distingue nettement de l'infraction criminelle), s'inscrit dans ce même registre du civisme : l'acte vise à éveiller la conscience des autres citoyens, à susciter un débat.

La référence à des « motivations éthiques » (pour Rawls, c'est un acte « décidé en conscience ») doit-elle faire partie de la définition ? Ce point ne fait pas l'unanimité des auteurs. Cependant, comment s'engager dans une action qui, en général, ne va pas sans risques personnels prévisibles (arrestation, amende, réprobation de l'entourage) pour atteindre des objectifs que l'on considère – à tort ou à raison – relever de l'intérêt général, sans une motivation éthique forte, de quelque ordre qu'elle soit ? C'est en tout cas une position éthique marquée que d'affirmer la possibilité – voire l'obligation – de désobéir à la loi positive au nom d'une loi d'un autre ordre.

L'aspect « concerté » de l'action est également à souligner. Puisque la désobéissance civile se donne pour objectif d'obtenir des changements dans la loi ou la politique contestée, elle doit exercer une certaine force de pression sur les décideurs. Pour cela, il faut s'organiser afin de réunir un grand nombre de participants (ou des personnes qui, même peu nombreuses, jouissent d'un réel prestige moral dans l'opinion), choisir le meilleur moment, déterminer les modalités concrètes de la désobéissance, les modes de médiatisation, etc. Bref, il y a une « stratégie » de la désobéissance civile. On voit, sur ce point, la différence entre la désobéissance civile et la notion assez proche d'objection de conscience (calque de l'anglais conscientious objection, apparue en Grande-Bretagne vers 1898, lors d'un débat parlementaire sur la vaccination obligatoire). L'objecteur ne se pose pas la question de savoir si cette « loi des hommes », qu'il estime injuste pour lui, pourrait être modifiée pour tous. Au contraire, pour celui qui participe à une campagne de désobéissance civile, l'objectif premier est moins de rester fidèle à sa conscience que de faire changer, pour la société entière, la loi réputée injuste. La désobéissance civile est une objection de conscience qui se donne des objectifs et des moyens politiques.

Martin Luther King - crédits : Bettmann/ Getty Images

Martin Luther King

Quant à la distinction entre désobéissance civile directe et désobéissance civile indirecte, on peut aisément l'illustrer par deux exemples concrets. Quand le mouvement des droits civiques de Martin Luther King, considérant comme injuste la loi qui interdit[...]

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Martin Luther King - crédits : Bettmann/ Getty Images

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