DESSIN CONTEMPORAIN
Longtemps cantonné à l'émergence d'un motif sur une simple feuille de papier, le dessin a conquis au fil du temps de nouveaux espaces et de nouvelles formes en se confrontant à des médiums, des techniques et des protocoles nouveaux. L'éclatement des pratiques artistiques, dont l'art contemporain est l'objet depuis l'avènement de la post-modernité, a grandement contribué à modifier le rapport primordial des artistes au dessin. S'il n'a rien perdu de sa nature propre, notamment cette proximité qu'il entretient avec la pensée, il convient aujourd'hui d'appréhender le dessin autrement, à l'aune de tous les changements dont il s'est nourri et qui le donnent à voir sous d'autres aspects. Parce que l'art contemporain en appelle volontiers à l'hybride et au métissage, l'adoption par le dessin des moyens plastiques par lesquels il trouve sa forme propre lui offre les conditions d'un élargissement de son champ d'expression. Qu'est-ce qui détermine le dessin contemporain ? Qu'est-ce qui le caractérise ? En quoi se distingue-t-il du dessin sinon ancien, du moins moderne ?
Le dessin comme projection de la pensée
Dans son étymologie même – celle de dessein, de l'italien disegno –, le mot dessin renvoie à l'idée de projet. Tout dessin procède de la mise en forme d'une pensée en acte qui se développe et qui connaît toutes sortes d'états, dans la multiplicité de ses errances et de ses humeurs. En cela, le dessin contemporain demeure ce qu'il a toujours été, le lieu privilégié de toutes les projections et de toutes les expériences, le signe précurseur d'une civilisation de l'œuvre, un territoire de liberté. Sa nature objective peut être esquisse, croquis, ébauche, épure ou œuvre pleinement accomplie, et sa forme devenir figurée, abstraite, concrète, imaginaire, narrative, géométrique, lyrique...
D'un point de vue iconographique, le dessin contemporain se tourne vers les registres les plus divers tels que l'histoire de l'art les décline et que les artistes en usent selon leur intention et leur motivation. Les références au réel, au rêve et au fantasme y trouvent place, tout comme le recours à la fiction, au symbole et à la métaphore. Le dessin est la manifestation matérialisée de la pensée, « l'action de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible qui semble se trouver entre ce que l'on sent et ce que l'on peut » (Vincent Van Gogh). Il est cet espace toujours ouvert et disponible entre les bords duquel la forme trouve à exister. Qu'il appréhende le monde ou se recroqueville sur lui-même, qu'il se fasse reporter ou confident, qu'il se raconte en se cherchant lui-même ou qu'il s'invente, le dessin contemporain n'est jamais neutre. Il est à l'écho d'une présence duelle, celle de l'artiste qui le signe, celle d'une pensée qu'il illustre.
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Écrit par
- Philippe PIGUET : historien, enseignant, critique d'art
Classification
Média