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DESSIN CONTEMPORAIN

Le dessin numérique

Avec l'avènement des nouvelles technologies, certains artistes ont été conduits à envisager le dessin de façon numérique. Celui-ci se donne alors à voir dans toutes sortes de mises en œuvre lui conférant selon les cas une existence tantôt matérielle, tantôt virtuelle. Le dessin numérique, qui suppose l'application d'un logiciel informatique dont le programme a été préétabli, peut être soit livré à lui-même dans son déroulement, soit contrôlé par l'artiste en fonction du rendu souhaité, soit encore laissé au libre arbitre du visiteur dans le contexte d'une démarche esthétique interactive, le résultat étant ou non imprimé sur papier. Pionnière en ce domaine, Vera Molnar a exploité les ressources des mathématiques pour en déduire des formulations graphiques inédites jouant de toutes les combinaisons et de toutes les déclinaisons possibles. À sa façon, Claude Closky a imaginé un nouveau type de portrait en créant un logiciel qui lui permet d'imprimer sur un support papier le relevé de tous les jours qu'a vécus son modèle pendant une période donnée ; plus les dates à imprimer sont nombreuses, plus elles sont de petite taille et plus leur alignement est serré. Il en résulte une œuvre graphique dont la densité est fonction de l'âge du sujet portraituré.

Virtuel, le dessin numérique en appelle à la mise en place d'un appareillage spécifique qui lui confère une existence ponctuelle dans une relation immatérielle au support sur lequel il apparaît. Il peut être simplement diffusé à la surface de l'écran d'un moniteur ou projeté directement sur celle d'un mur, voire sur plusieurs à la fois. Dans le second cas, la prise en compte par l'artiste de l'espace de projection contribue à l'accomplissement de l'œuvre. Jean-Charles Blais a ainsi réalisé Double Vue (2002), un DVD d'images graphiques et mouvantes de deux formes ovales semblables à des yeux qui occupent la totalité de l'espace où il est projeté. La projection confère au trait un tremblé lumineux qui donne au dessin une dimension tout à la fois monumentale et fragile.

Certains artistes contemporains s'inspirent du principe de fabrication du dessin animé pour réaliser des films faits de la succession de planches dessinées filmées de manière à composer une sorte de petite narration. Le séquençage de saynètes, dont le déroulé est souvent précédé de la réalisation d'un story-board, montre la prédilection de certains artistes pour le passage de l'image fixe à l'image animée. William Kentridge a fait, de ce type de production, sa marque de fabrique en réalisant notamment une série de dessins au fusain travaillés toujours sur la même feuille de papier de manière à conserver la trace des dessins antérieurs (Drawings for projection, 1989). Le dessin vient constituer ici un véritable palimpseste.

Objet de prestations spécifiques, le dessin contemporain constitue aujourd'hui l'un des champs privilégiés de la création artistique. Outre l'attention que lui prête l'institution publique, comme en a témoigné dès 1975 la création d'un Cabinet d'art graphique au Musée national d'art moderne et comme l'illustre le choix exclusif qu'en a fait le Fonds régional d'art contemporain de Picardie, il bénéficie d'un regard appuyé de nombreux collectionneurs, voire de fondations d'entreprise (Canson) ou privées (Daniel et Florence Guerlain). Depuis les années 2000, la création de revues, de foires ou de salons périodiques qui lui sont exclusivement dédiés constitue un autre témoignage de cet intérêt et atteste de l'importance de sa fortune critique.

— Philippe PIGUET

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Média

<it>Sans titre</it>, 1962, C. Twombly - crédits : De Agostini/ Getty Images

Sans titre, 1962, C. Twombly