SATIRIQUE DESSIN
Dessin satirique, pamphlet en image, charge, humour graphique , caricature, graphisme contestataire ; des expressions relativement nombreuses et assez imprécises permettent de multiplier les distinctions, les classifications ; de prolonger les disputes sur l'appartenance de telle œuvre à l'une ou à l'autre catégorie. Le travail d'un producteur (Daumier par exemple) peut alors être mis en pièces, écartelé entre diverses « classes ». Il paraît préférable de ne pas risquer ces aventures scolastiques, où le rire, chassé des dessins étudiés, vient se moquer du sérieux de l'étude. Un champ se dévoile d'abord dans son unité : celui des dessins destinés à faire rire ou sourire. Ce champ se définit par trois caractères essentiels.
D'abord, il est extrêmement riche. L'agression graphique constitue un domaine très incomplètement étudié, mais complexe. Dans les graffiti des murs, dans certaines bandes dessinées, dans des images avec ou sans paroles, dans les journaux politiques, sportifs ou artistiques, l'humour graphique affiche ses manifestations. Une partie d'entre elles, trop liée à une actualité courte, cesse très vite d'être compréhensible et drôle. Une autre part survit à l'événement qui en a été la cause occasionnelle. Face à cette variété, à cette multiplicité, il est difficile d'établir des coupures historiques. Il est téméraire aussi de tenter des pronostics. Au moment même où les recueils de dessins humoristiques foisonnent et trouvent un public, bien des critiques prophétisent encore la mort du genre qu'ils étudient.
Ensuite, le comique dans les arts plastiques met en cause certaines conceptions traditionnelles de l'art. En des rapports complexes, il enchevêtre les figures et les mots ; il lie, sans les hiérarchiser, le littéraire et le figural. En outre, il se diffuse dans la rue, auprès des personnes les moins « cultivées » ; il n'exige pas le musée ou la galerie ; il n'est pas consommé par une contemplation lente et subtile, propre aux connaisseurs. De plusieurs manières, il s'attaque à l'opposition traditionnelle du beau et du laid : souvent il utilise (volontairement ou non) un graphisme fruste ; il privilégie les scènes triviales, les gestes inélégants, les déformations. La haine, la violence qui s'y traduisent sont bien loin de la sérénité, du désintéressement traditionnellement prêtés à la production et à la consommation esthétiques.
Enfin, ce domaine peut être organisé assez aisément selon les objets auxquels s'attaque le dessin satirique. De quoi rit-on ? Contre qui, contre quoi l'arme du rire est-elle braquée ? Une étude du comique dans les arts plastiques se présente soit comme le plan d'un gigantesque chantier de démolition, soit (pour employer une autre métaphore) comme un court traité des mires et des cibles.
Le citoyen contre les pouvoirs
Midas, le roi Midas, a des oreilles d'âne. Louis-Philippe a pour tête une poire ; chirurgien sadique, il est le grand saigneur. Marie-Thérèse d'Autriche urine sur une meule pendant que ses soldats aiguisent leurs sabres. Marie-Antoinette nue se livre aux caresses précises de La Fayette. Talleyrand est un monstre à six têtes dont chacune glorifie un régime différent. Jouant aux cartes avec la Mort, Napoléon jette sur le tapis, sans pitié, ses soldats. Au buffet de la cour, le ministre-singe demande aux notables-volailles à quelle sauce ils veulent être mangés (1787). Le ministre X est un porc. Le président Y a une tête de renard trompeur. La cruauté de Robespierre le métamorphose en tigre ; Louis XVI est un dindon sot et gras ; Marie-Antoinette une louve aux agressifs seins de sphinge. Catherine de Russie a un pied sur son royaume, l'autre sur une des mosquées de Constantinople ; les autres souverains regardent sous ses jupes et commentent : « Ce n'est[...]
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Écrit par
- Gilbert LASCAULT : professeur émérite de philosophie de l'art à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art, écrivain
Classification
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