DÉSTALINISATION
La période qui suit le XXe congrès du P.C.U.S. (févr. 1956) est habituellement désignée comme étant celle de la « déstalinisation ». Dans le vocabulaire politique occidental, hormis le vocabulaire communiste, le terme de déstalinisation est usuellement opposé à celui de « stalinisme ». En réalité, ce terme ne traduit que malaisément et partiellement les changements que subissent après le XXe congrès les trois entités auxquelles il est significativement rattaché, l'Union soviétique, les pays de l'Est, les partis communistes occidentaux.
Bien que ces trois entités du monde communiste soient liées entre elles par une référence commune à une idéologie, à un système socioéconomique, à un système de fonctionnement du pouvoir à l'intérieur des partis et à l'extérieur (l'État), et à un système de langage, elles réagirent à la critique du « culte de la personnalité » concernant Staline au XXe congrès soit par des crises ouvertes et violentes (Pologne, Hongrie), soit par des réajustements au sein de leur système politico-économique (U.R.S.S. et les autres pays de l'Est), soit par des ruptures (Chine, Albanie), soit encore par une volonté d'indépendance allant jusqu'à des scissions (P.C. grec, israélien, indien, etc.). C'est par le mode de réaction à la critique du culte de la personnalité que les différenciations s'opèrent et que les similitudes apparaissent entre ces trois entités. Pour l'U.R.S.S. et pour les pays de l'Est, il convient de remplacer le terme de « déstalinisation » par « processus de libéralisation », qui reflète mieux les crises et les mutations qui, à partir de 1956, affectent périodiquement ces pays. Quant aux partis communistes occidentaux, l'évolution de la plupart d'entre eux va suivre une autre voie qui, d'une allégeance sans faille à la politique de l'U.R.S.S., les conduira à une meilleure adaptation à la réalité de leurs pays respectifs.
La première étape du processus de libéralisation dans les pays de l'Est s'étend sur la période située entre le XXe et le XXIIe congrès du P.C.U.S. (octobre 1961). Le XXe congrès a été le point de départ d'une prise de conscience, à tous les niveaux de la société, des problèmes que le socialisme n'a pu résoudre ou qu'il a masqués sous le couvert d'une simplification dogmatique du marxisme. Des oppositions socialistes au sein du socialisme (intellectuels, ouvriers, jeunes) se cristallisent, oppositions non structurées, fluctuantes, dépourvues de ligne politique bien déterminée. Les revendications les plus générales touchent essentiellement : les libertés individuelles et collectives, la réhabilitation des prisonniers politiques condamnés ou exécutés dans les années 1950, la liberté d'information et l'abrogation de la censure, les réformes économiques, l'indépendance nationale et les relations du pays avec l'U.R.S.S. Le degré de satisfaction accordé à ces revendications, désormais constantes dans les pays de l'Est, sera proportionnel au degré de libéralisation de ces pays. Au sein de la direction des partis au pouvoir, des groupes (conservateurs, centristes, progressistes, naturellement sujets à des variations et à des interférences) se forment et se déterminent par rapport à ces revendications. C'est en fonction de la conjoncture politique et économique du moment, de la puissance des groupes de pression au sein du pouvoir ou de la violence des explosions populaires (Poznań, Budapest, 1956 ; Pologne, 1970) qu'elles seront acceptées par le parti. Ce processus de libéralisation mettra en évidence la contradiction entre les nécessités de l'évolution économique et sociale et la rigidité des structures politiques, entre la pratique et l'idéologie, entre les différentes couches sociales et le pouvoir. Ces[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Ilios YANNAKAKIS : maître assistant à l'université de Lille-III
Classification
Médias
Autres références
-
ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République démocratique allemande
- Écrit par Georges CASTELLAN et Rita THALMANN
- 19 516 mots
- 6 médias
...envoyé par le S.E.D. au congrès le 14 février 1956 se terminait en effet par : « Vivent les invincibles leçons de Marx, Engels, Lénine et Staline. » La déstalinisation posa en République démocratique allemande des problèmes qui, sans conduire à des cassures aussi profondes que dans les autres ... -
CENT FLEURS LES
- Écrit par Michel HOANG
- 944 mots
C'est en mai 1956 que le président Mao Zedong énonce sa formule désormais célèbre : « Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent. » Ce slogan d'expression très classique fait référence aux « cent écoles », dénomination donnée par le philosophe taoïste Zhuangzi aux multiples...
-
CHINE, histoire, de 1949 à nos jours
- Écrit par Jean-Philippe BÉJA , Encyclopædia Universalis et François GODEMENT
- 19 198 mots
- 15 médias
À l'extérieur, la déstalinisation menée par Khrouchtchev, révélée dans son ampleur au XXe congrès du PCUS de janvier 1956, entraîne des bouleversements dans tout le camp communiste. Cette année 1956 sera importante pour la Chine aussi, faisant apparaître des clivages fondamentaux. -
COMMUNISME - Histoire
- Écrit par Annie KRIEGEL
- 13 863 mots
- 10 médias
L'année 1956, marquée par le XXe congrès du P.C.U.S., au cours duquel Khrouchtchev prononce son fameux « rapport secret », clôt brutalement la période de trente années qui a vu le modèle soviétique, après s'être fixé et figé dans sa version stalinienne, tenter de reprendre l'exclusivité du label... - Afficher les 21 références