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DÉTERMINANT, linguistique

On appelle déterminants une catégorie d'éléments linguistiques ayant pour fonction de se rapporter syntaxiquement au nom, avec lequel ils forment l'essentiel du syntagme (ou groupe) nominal. Du point de vue logique, leur rôle est d'actualiser le substantif en l'insérant dans la situation de parole. Il s'ensuit que beaucoup donnent aux déterminants le nom d'actualisateurs ou même (Martinet) de modalités du nom : ce dernier éclairage accentue évidemment le passage de la langue, virtuelle, à l'ordre du discours, actuel.

Sur le plan formel de l'analyse du groupe nominal, c'est l'approche distributionnelle de la syntaxe qui a rendu indispensable la réunification en une classe unique des différents morphèmes que la tradition répartissait, sous des noms disparates, en plusieurs catégories dans la définition desquelles se mêlaient des attributions purement grammaticales et d'autres qu'on rapportait à des fonctions logiques.

Il est clair que, si l'on retient l'opposition saussurienne entre le paradigme et le syntagme, on reconnaîtra l'équivalence de fonctionnement entre les articles (le, un), les numéraux (un, deux...), les indéfinis (quelques, certains...), les possessifs et les démonstratifs (son, ce) : possibilité de commuter dans des environnements semblables, généralement en tête du syntagme nominal ; même comportement, la plupart du temps, en face des marques de genre et de nombre. Une petite difficulté d'analyse surgit toutefois à propos de certains déterminants combinables (tous les, un certain...) : on a alors parfois intérêt à dégager une classe de prédéterminants du nom. On notera, inversement, que le degré zéro du déterminant est représenté dans certains types d'énoncés où il y a lexicalisation d'une forme verbale composée (« avoir faim », « faire peur »), tournure gnomique (« bon sang ne saurait mentir »), ou enfin réduction d'un syntagme nominal à un groupe attributif comparable à un simple adjectif (« Pierre est médecin », à côté de « Pierre est un médecin réputé »).

Sur le plan plus proprement logique du contenu actualisé de l'énoncé, la linguistique contemporaine, qui groupe sous le nom de deixis l'ensemble des éléments situés à la charnière de la phrase et de la situation de parole, est conduite à récuser l'opposition un peu simple de la grammaire reçue entre indéfini et défini, pour la transposer en termes de quantification : une fois posée l'opposition, intuitive, entre ensembles dénombrables et notions denses, on ramènera les dissymétries immanentes au système des déterminants à des opérations relativement stables, mais traduites par les différents foncteurs de la langue. C'est ainsi qu'on distinguera : l'extraction d'un ou plusieurs éléments (un, quelques, plusieurs, quatre) ; la référence au discours ou à la situation (« voici le livre que j'ai acheté » provient de « voici un livre » et de « j'ai acheté ce livre » ; « je prends la voiture » est une allusion à un objet implicitement reconnu dans la communication) ; le balayage de tout ou partie de la classe désignée (un, tout, le, chaque). Certaines de ces opérations étant rendues impossibles par le caractère dense d'une partie des substantifs, on a alors, dans les différentes langues, recours à des relais comme la préposition assortie ou non de l'article (du, de la ), ou au degré zéro de l'article (cas de l'anglais, de l'allemand...).

— Robert SCTRICK

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