DÉTERMINATION DE LA STRUCTURE 3D DES PROTÉINES
Article modifié le
La cristallographie aux rayons X
Jusqu’au début des années 2020, la cristallographie aux rayons X (RX) a été la méthode reine. Son principe remonte à une expérience de Max von Laue qui, en 1911, a exposé un cristal de sulfate de cuivre (CuSO4) à un faisceau de rayons X et a observé une série de taches sur une plaque photographique placée perpendiculairement à l’axe du faisceau. Dans ce type d’expérience, les RX, qui sont diffusés par les électrons des atomes contenus dans le cristal, interfèrent entre eux et génèrent un spectre de diffraction. La distribution des taches de diffraction est révélatrice de la symétrie du cristal et leurs intensités sont fonction de la structure des molécules cristallisées. Cette technique est fondée sur le pouvoir amplificateur des interférences constructives des RX diffusés par une grande quantité de molécules empilées et orientées de façon périodique dans un cristal. Étant donné que les RX utilisés ont une longueur d’onde de l’ordre de 1 à 2 angströms (1 Å = 10–10 m), comparable au diamètre des atomes, ils interagissent avec les nuages électroniques de ces derniers. L’analogie est souvent faite entre le phénomène de diffraction des RX et la microscopie optique parce que, dans les deux cas, on se sert d’un rayonnement électromagnétique (RX ou lumière visible) pour grossir l’image d’un échantillon donné. Pourtant, cette analogie avec le microscope est un peu trompeuse parce que nous ne disposons pas de « lentilles » pour les RX, étant donné qu’ils sont dispersés par tout type de matière. On ne peut donc pas observer d’image directe, comme le permet le microscope optique, mais seulement mesurer les RX diffractés issus du cristal.
La diffraction n’est pas un phénomène physique évident à décrire. Les RX, dispersés dans toutes les directions, interfèrent mutuellement de façon soit destructive, soit constructive, ce qui génère des ondes ou « réflexions » qui sont mesurées sur un détecteur plat. On les appelle « réflexions » en référence à la loi de Bragg. En 1915, William Henry et William Lawrence Bragg (respectivement père et fils) proposent une méthode très visuelle pour la compréhension de la diffraction : ils ont défini une série de plans imaginaires qui traversent le cristal et qui se comportent comme des « miroirs » pour les RX. En réalité, ces plans ne fonctionnent comme des miroirs que pour un seul angle incident, d’où la nécessité de faire tourner le cristal dans le faisceau de rayons X pour mettre successivement tous les plans dans leur « bon angle de réflexion ». La densité électronique échantillonnée par chacun de ces plans est directement proportionnelle à l’intensité de la réflexion correspondante. C’est à ce niveau qu’une partie très importante de l’information nécessaire se trouve pour résoudre la structure de la macromolécule cristallisée. Le spectre de l’ensemble de ces « réflexions » reflète la symétrie interne du motif qui, en se répétant dans les trois directions de l’espace, constitue le cristal ; il est essentiel de déterminer cette symétrie pour pouvoir finaliser l’analyse.
Le fait d’enregistrer les « réflexions » sur un détecteur plan bidimensionnel élimine une part essentielle des données requises. En effet, les ondes diffractées portent une information qui les relie spatialement, à savoir leur phase. En termes mathématiques, ce qui est mesuré avec le détecteur correspond à la première transformée de Fourier (grosso modo, à la décomposition de l’image de l’objet en « réflexions »). Pour récupérer l’image originale, on doit prendre la racine carrée des intensités mesurées (les amplitudes) et les combiner avec les phases respectives. On appelle cette opération, qui additionne les amplitudes phasées, la deuxième transformée de Fourier. Étant donné que la transformée de la transformée régénère la fonction[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Beate BERSCH : chargée de recherche au CNRS
- Juan FONTECILLA-CAMPS : conseiller scientifique
- Emmanuelle NEUMANN : docteure en physique, ingénieure-chercheuse au CEA Grenoble
Classification
Médias