DETTE PUBLIQUE
Comment réduire le poids de la dette ?
Pour l'État, il est indispensable au bout d'un moment d'alléger la charge d'intérêt et de ne pas inquiéter les prêteurs sur ses intentions. Pour se défaire de sa dette, il dispose de trois moyens :
– L'amortissement. L'État rembourse plus qu'il n'emprunte, c'est-à-dire qu’il dégage des excédents budgétaires. Historiquement, force est de constater que ce fut peu pratiqué. Signalons néanmoins, dans les années récentes, que l’administration Clinton avait dégagé en fin de second mandat des excédents budgétaires tellement significatifs que certains avaient pu anticiper en 2000 la disparition de la dette publique américaine à la fin de 2012...
– L'annulation d'une partie de la dette (la banqueroute). La monarchie française s'y est abondamment livrée. Depuis 1797, on n'annule plus la dette publique en France. En Grèce, il a été procédé en 2011 à l’annulation d’une partie de la dette – en anglais on parle d’haircut. Cela a certes allégé la situation des finances grecques, mais a mis en difficulté de nombreuses banques. Ainsi, les banques chypriotes ont perdu dans le haircut 5 p. 100 de leur actif, ce qui a provoqué une crise bancaire dans ce pays.
– L'inflation. Les taux d'intérêt portés par les titres de dette publique étant en général fixes, la hausse des prix réduit le poids relatif des intérêts à verser pour un État qui voit ses recettes artificiellement gonflées par l'inflation. Néanmoins, la menace inflationniste conduit les créanciers à réclamer des taux de plus en plus élevés. L’inflation devient alors un leurre qui donne du temps aux États mais qui se paie ensuite sous forme de taux durablement pénalisants.
Dans le modèle américain, l’inflation reste cependant une option assez souvent recherchée. Dans le modèle européen, le choix affiché est celui de la stabilité des prix dans le but d'assurer la pérennité de l'euro. C’est ce refus de principe de toute dérive de l'inflation qui conduit les Européens à s'opposer à l'endettement public. Le traité de Maastricht précise que la B.C.E., à l’instar des autres banques centrales, ne peut pas financer directement les déficits publics et le P.S.C. limite l'endettement des États à 60 p. 100 du P.I.B. Malgré cette règle, la progression régulière de la dette des principaux pays européens, depuis les chocs pétroliers des années 1970 et la disparition de l'inflation dans les années 1980, s'est poursuivie. En France, la dette publique est passée de 21 p. 100 du P.I.B. en 1980 à 88 p. 100 en 2012.
Certains pays ont néanmoins inversé cette tendance. Deux sont souvent mis en avant : le Canada et la Suède. En Suède, depuis 1993, année où le déficit public représentait 13 p. 100 du P.I.B., on a adopté une règle selon laquelle il faut dégager un excédent moyen de 2 p. 100 – on parle en l’occurrence d’excédent structurel.
La Norvège dégage aussi des excédents : 4 p. 100 en 2005. Mais la comparaison s'arrête là : la Suède a réduit ses dépenses au prix d'un effort consenti par la population, tandis que la Norvège a bénéficié de recettes pétrolières. Réduire la dette signifie toujours plus de recettes et moins de dépenses, ce qui rend l'exercice politiquement délicat.
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Écrit par
- Jean-Marc DANIEL : professeur émérite de sciences économiques, ESCP Europe
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