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DEUX ANS, HUIT MOIS ET VINGT-HUIT NUITS (S. Rushdie) Fiche de lecture

Publié au Royaume-Uni en septembre 2015, Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits (traduit de l’anglais par Gérard Meudal, Actes Sud, 2016) est le dixième roman de Salman Rushdie. Son intrigue peut être perçue comme une version pour adultes de Luka et le feu de la vie, son second conte pour enfants. Le roman s’ouvre sur une présentation des djinns, issus du monde arabo-persan qu’évoque le titre, dans une allusion transparente aux Mille et Une Nuits. Il est narré par un « nous », la voix collective d’historiens du IVe millénaire qui rapportent, en tâchant de démêler vérité et mythe, des événements survenus mille ans auparavant, c’est-à-dire, pour l’écrivain comme pour ses premiers lecteurs : pendant les mille et une nuits qui séparent l’été 2016 du printemps 2019.

Une guerre philosophique

En préambule, il faut remonter à 1195, quand le philosophe Ibn Rushd, connu en Occident sous le nom d’Averroès, tomba en disgrâce et vit ses livres brûlés. Averroès fut séduit par la jeune Dunia, sans se douter qu’il s’agissait d’une djinnia attirée hors du Peristan, le monde des fées, par sa curiosité pour les humains. En l’espace de mille et une nuits, Dunia accoucha d’une vingtaine d’enfants, à qui elle légua ses gènes magiques, et que leur père, en hommage à la sœur de Schéhérazade, appela Dunia-zat, la tribu de Dunia.

En se faisant le défenseur d’un islam tempéré qui pût rimer avec science et raison, Averroès, grand commentateur des penseurs grecs, avait pris le contre-pied du Persan al-Ghazālī qui, à la fin du xie siècle, avait miné dans le monde islamique l’influence de cette philosophie, coupable selon lui de contredire la révélation divine.

Quelque huit cent vingt ans plus tard, dans la ville de New York, commence le temps des « étrangetés » : une terrible tempête s’abat sur la ville, détruisant notamment le sublime jardin qu’avait dessiné Geronimo. Longtemps refermés, les passages entre monde des fées et monde des humains, qui avaient permis à Dunia de venir sur Terre, se sont ouverts une nouvelle fois. Les grands Ifrits, puissants djinns mâles, cherchent à accomplir un vœu jadis accordé à al-Ghazālī : il leur faut terroriser les humains rationalistes qui ont rejeté Dieu. Dès lors, Dunia part en quête de ses descendants, les enrôlant sous sa bannière pour bouter les djinns hors du monde humain et le rendre à nouveau étanche. Parmi eux, on trouve, à New York, Geronimo, jardinier d’une soixantaine d’années, d’origine indienne, Jinendra Kapoor dit Jimmy, comptable qui rêve d’être dessinateur de comics et, à Londres, Hugo Casterbridge, compositeur de musique persécuté par un prédicateur haineux du nom de Yusuf. Une bataille épique oppose alors les descendants de Dunia, partisans d’Averroès, qui manient l’arme de la foudre, aux Ifrits inspirés par al-Ghazālī. Dunia et ses acolytes, force de libération, anéantissent un par un les Ifrits. Le livre se clôt sur une société des années 3000 apaisée, sereine, dépourvue de racisme, de guerre, et surtout de dieux et de religion, mais où les humains ont totalement perdu la capacité de faire des rêves ou des cauchemars.

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