DEUXIÈME RÉPUBLIQUE
L'élimination des républicains
La victoire électorale de Louis Napoléon Bonaparte fut un désaveu implicite de la politique menée par les républicains depuis février. L'élection de l'Assemblée législative le 13 mai 1849 montre un partage de l'opinion en deux grandes tendances. Le parti de l'Ordre, regroupant les légitimistes, les orléanistes, des républicains modérés et des bonapartistes, eut 53 p. 100 des voix et un peu moins de cinq cents élus ; ce fut surtout dans le Nord et dans l'Ouest qu'ils obtinrent les plus fortes majorités. Les démocrates-socialistes, dont le leader, Ledru-Rollin, fut élu dans plusieurs départements, avaient 35 p. 100 des voix et un peu plus de 180 élus ; ils dominaient dans quinze départements : régions industrielles (autour de Lyon et de Saint-Étienne), régions rurales aussi comme la bordure nord du Massif central (Cher, Corrèze, Allier, Creuse). Une société, la Solidarité républicaine, de nombreux journaux comme La Révolution démocratique et sociale de Delescluze avaient organisé leur campagne.
Conservateurs et démocrates se partageaient les sièges de Paris ; parmi les premiers, le général Bedeau, Victor Hugo (qui avait été l'un des premiers soutiens de Louis Napoléon), Odilon Barrot, Dufaure ; parmi les seconds, Ledru-Rollin, Lagrange, Lamennais, Pierre Leroux. Un troisième groupe, les « républicains de la veille », de la tendance du National, n'eut que 12 p. 100 des voix et soixante-dix députés.
En dépit de leur succès, les conservateurs sont inquiets de celui des démocrates dans les villes, et aussi dans l'armée. Le président de la République conserve Odilon Barrot à la présidence du Conseil avec quelques nouveaux ministres (Tocqueville aux Affaires étrangères) ; le ministre a envoyé un corps expéditionnaire pour restaurer le pape Pie IX à Rome et renverser la république romaine de Mazzini. Ledru-Rollin proteste contre cette intervention en demandant la mise en accusation du ministère, et les députés de la gauche (la Montagne) organisent le 13 juin une manifestation de la place du Château-d'Eau au Palais-Bourbon ; celle-ci est interrompue par les forces de l'ordre et tourne à l'insurrection ; un groupe essaye de former un gouvernement provisoire au Conservatoire des arts et métiers. Mais le mouvement n'obtint pas l'appui populaire et fut utilisé par le gouvernement et la majorité pour liquider l'opposition démocratique ; Ledru-Rollin s'enfuit à Londres ; d'autres députés de la Montagne furent poursuivis et emprisonnés ; l'état de siège fut proclamé à Paris et à Lyon, six journaux suspendus (dont La Réforme, La Révolution démocratique et sociale, Le Peuple).
Ayant éliminé les radicaux et les socialistes, le président de la République est plus autonome en face du parti de l'Ordre. Celui-ci fait voter trois lois conservatrices : le 15 mars 1850, la loi Falloux assure la liberté de l'enseignement, ce qui profitera surtout à l'enseignement catholique ; sous l'impulsion de Thiers, une autre loi avait précédemment établi une surveillance plus étroite sur les instituteurs suspects de propagande socialiste ; le 31 mai 1850, une loi électorale ampute le suffrage universel, à la suite d'élections partielles en mars 1850 favorables aux démocrates ; désormais, pour être électeur, il faut payer la taxe personnelle depuis trois ans dans la commune : près d'un tiers des électeurs sont éliminés. Enfin une loi du 16 juillet 1850 réduit la liberté de la presse.
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Écrit par
- André Jean TUDESQ : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Bordeaux
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