DÉVELOPPEMENT COGNITIF ET CÉRÉBRAL EN CAS DE CÉCITÉ
L’impact de la cécité sur l’architecture cérébrale
Chez les humains et les primates, les régions occipitales du cerveau répondent à des stimuli visuels spécifiques immédiatement après la naissance, laissant suggérer une organisation innée du système visuel. L’expérience visuelle joue cependant un rôle crucial dans le développement et le maintien de cette organisation sensorielle innée. En l’absence de vision précoce, le cortex occipital est l’objet de réorganisations massives liées au traitement d’informations non visuelles ; c’est ce que l’on appelle la plasticité transmodale. De nombreuses études de neuro-imagerie ont montré une activation plus importante du cortex occipital chez l’aveugle précoce en comparaison à celle observée dans des tâches tactiles et auditives chez le sujet voyant contrôle.
Un grand principe d’organisation anatomo-fonctionnelle du cortex occipital chez le sujet voyant concerne la ségrégation des voies neuronales sous-tendant l’identification d’un objet et sa localisation dans l’espace. Chez le sujet voyant, la voie ventrale, qui correspond aux régions visuelles occipito-temporales, joue un rôle dans le traitement de la forme et l’identification des objets (c’est la voie du « quoi ») alors que la voie dorsale, qui implique les aires occipito-pariétales, est associée au traitement du mouvement et à l’organisation spatiale de l’espace visuel (c’est la voie du « où »). Il est donc légitime de se demander si cette ségrégation ventrale-dorsale est préservée chez la personne non voyante. De récents travaux laissent entrevoir un certain niveau d’organisation modulaire du cortex occipital comparable à ce qui a été démontré chez le voyant pour le traitement d’informations visuelles. On a pu ainsi établir, chez la personne non voyante, l’existence d’une double dissociation entre une voie dorsale occipito-pariétale dédiée au traitement des informations non visuelles spatiales et une voie ventrale occipito-temporale dédiée à des informations d’identification non visuelle. L’observation d’une telle organisation fonctionnelle montre que certaines régions cérébrales sont prédéterminées à traiter un type d’information cognitive quelle que soit l’afférence sensorielle qui alimente ces régions.
Plus surprenant encore, le cortex occipital de la personne aveugle de naissance pourrait changer de fonction et participer à des activités cognitives de haut niveau, comme le langage, la consolidation de la mémoire verbale à long terme et l’arithmétique. Bien que ces observations aient amené plusieurs scientifiques à suggérer que le cortex occipital pouvait prendre en charge des fonctions cognitives très éloignées de la vision, d’autres auteurs ont suggéré que le recrutement des régions occipitales pour des capacités cognitives de haut niveau pouvait également refléter le recyclage de compétences plus anciennes dans l’évolution que les fonctions cognitives concernées.
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Écrit par
- Olivier COLLIGNON : chercheur qualifié au Fonds de la recherche scientifique de Belgique, professeur à l'université catholique de Louvain (Belgique)
- Virginie CROLLEN : chercheuse post-doctorante
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Média