DÉVELOPPEMENT DES ÉMOTIONS
Le développement émotionnel est principalement étudié sous l’angle du vécu émotionnel, son expression et sa régulation, et sous celui de la compréhension et la reconnaissance des émotions chez autrui. Il s’inscrit dans une évolution complexe de la naissance à l’âge adulte qui ne suit pas toujours une trajectoire linéaire, même si, globalement, l’individu tend à maîtriser les émotions de plus en plus efficacement. Le développement émotionnel commence très tôt dans l’ontogenèse, et se complexifie sous l’impulsion conjointe du développement du système neurocognitif et de la richesse des interactions avec l’environnement. Afin d’éclairer ces aspects, un point préliminaire consiste à s’interroger sur l’ontogenèse des émotions.
L’ontogenèse des émotions
Darwin est à la base de l’approche évolutionniste qu’il décrit dans son ouvrage L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux (1872). Selon cette approche, certaines émotions dites basiques, fondamentales ou primaires seraient présentes dès la naissance et universelles. Ce petit groupe d’émotions – colère, peur, dégoût, tristesse et joie, même s’il n’existe pas de consensus sur leur nombre – reposerait sur l’existence d’un bagage inné. Cette inscription génétique serait l’héritage adaptatif de la phylogenèse, car ces émotions et leur expression refléteraient des actions utiles pour l’organisme dans une situation donnée. Dans ce cadre, le postulat est de considérer que les manifestations expressives émotionnelles et les émotions ressenties coïncident, et cela dès les premiers instants de vie.
À cette approche innéiste s’oppose une approche constructiviste, qui met l’accent sur la nécessité de la cognition pour qu’apparaisse une émotion. Les manifestations expressives ne correspondraient pas à un état émotionnel tant que le bébé n’est pas en capacité d’attribuer une valeur aux stimulations de l’environnement. Aussi, les premières manifestations expressives du nourrisson ne seraient pas de véritables émotions, mais des manifestations physiologiques. C’est au cours de la première année de vie que celles-ci – relatives à l’ homéostasie – deviendraient alors émotions. Par exemple, si le sourire correspond chez le nouveau-né à une réponse réflexe (illustrée par le sourire qui survient dans le sommeil), au cours des six premiers mois il devient le reflet d’un plaisir lors d’une activité comme le jeu.
Qu’elles soient dans un premier temps émotions ou simples manifestations de la régulation homéostatique, les émotions primaires sont présentes avant la fin de la première année de vie. En revanche, l’apparition des émotions dites secondaires, autoconscientes ou autoréflexives serait plus tardive, puisque liée au développement de la conscience de soi. Cette dernière correspond à la capacité de se considérer comme un individu à part entière, et est classiquement envisagée comme acquise au cours de la seconde moitié de la deuxième année de vie. Cette différenciation soi/autrui permet par exemple l’émergence de la honte, de la culpabilité, de l’embarras ou de la fierté. Ces émotions résultent de situations dans lesquelles le jeune enfant est capable de s’évaluer tout en étant conscient du regard d’autrui.
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Écrit par
- Sandrine GIL : maître de conférences, habilitée à diriger des recherches en psychologie
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