DÉVELOPPEMENT DES FONCTIONS EXÉCUTIVES (psychologie)
Les fonctions exécutives (F.E.) sont des capacités du cortex préfrontal, à l’avant du cerveau, et plus exactement d’un circuit pariéto-frontal, qui contrôlent l’exécution des conduites, le choix des stratégies, la prise de décision. Les trois principales F.E. sont la mémoire de travail, l’inhibition et la flexibilité (switchingen anglais). La mémoire de travail consiste à maintenir, mettre à jour et manipuler mentalement des informations ou instructions (elle se développe de une à sept unités cognitives co-activables, de complexité croissante, du bébé à l’adulte). L’inhibition consiste à résister aux habitudes ou automatismes, aux tentations, distractions ou interférences. Enfin, la flexibilité consiste à s’ajuster au changement par inhibition/ activation.
Même si le concept de fonctions exécutives, dont le pluriel est ici important, vient d’être précisément défini, il ne faut pas dissimuler que les psychologues sont encore loin d’être d’accord sur le caractère unitaire d’un « centre exécutif » qui coordonnerait les F.E. dans le cerveau (cortex préfrontal) ou sur une conception multiple, voire éclatée. La question de leur recouvrement avec ce qui était classiquement mesuré en psychométrie comme « l’intelligence fluide », dépendant de l’intégrité du cortex préfrontal, est aussi en débat. De même que sont discutés les recouvrements, certainement étroits, avec la notion d’attention contrôlée par exemple. Des modèles néopiagétiens ont très clairement posé ces problèmes, notamment pour l’évaluation conjointe des capacités de mémoire de travail et d’attention mentale chez l’enfant. Aujourd’hui, une meilleure compréhension de la dynamique de fonctionnement global du cerveau peut sans doute aider à comprendre comment les F.E. sont en même temps centralisées dans le cortex préfrontal et déployées de façon multiple.
Au cours du développement de l’enfant, la maturation du cortex préfrontal, qui sous-tend les F.E., est lente et se distribue de l’âge du bébé à l’adolescence. Il faut toutefois comprendre que les F.E. concernent l’ensemble du cortex, dans le cadre d’un espace neuronal de travail global, comme le théorise Stanislas Dehaene pour définir le « code de la conscience ». Selon cette théorie, les neurones actifs du cortex préfrontal propagent leurs messages au reste du cerveau en envoyant des potentiels d’action via des axones longs. En de nombreux endroits, ces signaux contactent, par exemple, des neurones inhibiteurs afin de « faire taire » des groupes entiers de neurones. Il ressort de ce fonctionnement cérébral très distribué des F.E. que la myélinisation progressive des fibres blanches du cerveau (axones) au cours du développement de l’enfant va en accroître l’efficacité.
L’une des premières manifestations des F.E. chez le bébé concerne la permanence de l’objet. Jean Piaget avait observé que jusqu’à l’âge de un an les bébés font une erreur, dite « A-non-B », dans un dispositif de recherche d’objets disparus. L’objet est d’abord caché derrière un écran A, puis il est caché, sous les yeux du bébé, derrière un écran B. De huit à douze mois, le bébé continue d’aller rechercher l’objet derrière A (comme d’habitude), commettant ainsi l’erreur A-non-B. Piaget croyait que cette erreur signifiait une absence de permanence de l’objet. Or les travaux de sciences cognitives, après Piaget, ont montré que la permanence de l’objet est bien plus précoce (quatre-cinq mois). Pour comprendre ce paradoxe, il a été démontré que l’erreur A-non-B tient au défaut d’inhibition motrice du geste préprogrammé vers A (l’habitude motrice, l’automatisme), en raison de la maturation encore insuffisante du cortex préfrontal. À un an, cette erreur est corrigée. Or c’est l’âge précis du début de la diminution globale de matière grise (indicateur de maturation)[...]
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Écrit par
- Olivier HOUDÉ : professeur de psychologie du développement, université Paris Descartes
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