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DÉVELOPPEMENT DU RAISONNEMENT

Les déboires du raisonnement adulte et l’hypothèse d’une dualité de processus

La découverte de capacités de raisonnement chez le jeune enfant s’est accompagnée de la remise en cause du caractère logique et rationnel du raisonnement adulte. Celui-ci serait en fait affecté d’une foule d’erreurs systématiques, des biais, et reposerait davantage, selon Daniel Kahneman et Amos Tversky, sur l’utilisation d’heuristiques (des stratégies mentales rapides et peu coûteuses basées sur de simples intuitions) que sur une réelle logique. Ces conclusions pessimistes se heurtaient toutefois à l’indéniable capacité de l’être humain à résoudre des problèmes d’une extrême complexité. Ce paradoxe a été résolu par l’émergence d’une nouvelle classe de théories, dites « des doubles processus » (dual-processtheories). Ces théories supposent la coexistence dans l’esprit humain de deux systèmes de raisonnement : l’un intuitif, rapide, automatique et inconscient dans ses processus ; l’autre analytique, lent, contrôlé et coûteux, siège de la pensée logique. On a pensé que le développement du raisonnement était dû à l’accroissement des capacités de ce second système. Toutefois, de nombreux auteurs affirment que le système intuitif connaît aussi un fort développement avec l’âge. Ainsi, certains biais caractéristiques de la pensée adulte apparaissent avec l’âge alors que les plus jeunes enfants y échappent. Certains comme Charles Brainerd et Valérie Reyna proposent même que la forme de pensée la plus achevée chez l’adulte repose sur des intuitions élaborées, qui ne doivent pas être confondues avec les intuitions impulsives du jeune enfant, ces intuitions élaborées apparaissant avec l’âge et nous permettant d’appréhender, au-delà des calculs permis par le système analytique, le sens profond des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Dans la lignée des évolutions récentes qui ont affecté les recherches chez l’adulte, on peut penser que l’étude du développement du raisonnement chez l’enfant sera de plus en plus intégrée et liée aux domaines voisins que sont ceux de la prise de décision, de la résolution de problèmes et de l’apprentissage, en intégrant les méthodes des neurosciences à celles de la psychologie et en prenant en compte les aspects cognitifs, mais aussi affectifs et sociaux.

— Pierre BARROUILLET

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